Les bienfaits de la taille douce et principe de taille non mutilante

Modifié le 07/03/2024

Quelques conseils pour établir les ceps en limitant au maximum les plaies, les traumatismes et en respectant les flux de sève.

Les bienfaits de la taille douce et principe de taille non mutilante

L’objectif de la taille douce est de limiter les plaies de taille et leurs conséquences sur la présence de bois mort à l’intérieur des ceps, tout en favorisant un trajet de sève le moins perturbé possible pour alimenter les coursons sur toute la longueur du cep.





Les grands principes à respecter


  • Réinvestir sur les travaux en vert : L’ébourgeonnage permet de sélectionner les futurs bois, en réduisant le nombre de plaies de taille qui seront à faire l’hiver suivant. Il permet aussi de favoriser la vigueur des bois sélectionnés en limitant la concurrence entre rameaux. L’attachage permet de sécuriser et donner leur forme aux rameaux sélectionnés en évitant les pliures traumatisantes une fois les bois aoûtés.

  • Préserver le flux de sève : Le flux de sève est le chemin préférentiel emprunté par la sève dans les vaisseaux pour alimenter un courson. Chez la vigne la circulation de la sève est majoritairement longitudinale, du bas vers le haut (peu de circulation radiale). Si une blessure survient sur ce trajet, la vigne a la capacité de la contourner, mais cela est plus délicat lors de nombreuses blessures répétées. Le trajet emprunté par la sève doit être le plus direct et continu possible pour alimenter les organes supérieurs. Il peut s’apprécier par le toucher, en suivant avec un doigt le chemin depuis la base du cep jusqu’au bourgeon. Y-a-t-il des plaies de taille sur ce trajet ? La sève doit-elle zigzaguer pour alimenter le bourgeon (c’est ce qu’on appelle une inversion de flux de sève) ?

  • Éviter la formation de bois mort : En effet sous la surface d’une plaie de taille se forme une zone de cicatrisation (bois mort) qu’on appelle « cône de dessèchement ». Il est admis que plus le diamètre de la plaie est important, plus la zone de dessèchement sera profonde dans le bois vivant. Ces zones de bois mort sont susceptibles d’entraver le passage de la sève. Pour éviter ces zones de bois mort en profondeur :
    1. On taille bien au-delà du rameau à conserver : on laisse un chicot.
    2. Sur le vieux bois, on évite les plaies rasantes, on taille sur la couronne.
    3. On préfère plusieurs petites plaies plutôt qu’une grosse plaie de taille.

  • Équilibrer la souche en répartissant les bourgeons de façon homogène sur la charpente, de façon à appeler la sève sans créer de chemins préférentiels : L’objectif est d’obtenir une vigueur similaire pour tous les bourgeons laissés à la taille, et ces bourgeons doivent être répartis de façon régulière. Lorsque des coursons ou bras doivent être renouvelés, la clé est l’anticipation : en sélectionnant des bourgeons du vieux bois plusieurs années avant. Une chandelle ou un bras ne doit être coupé qu’une fois que le nouvel appel de sève est établi de façon vigoureuse. Cela réduit le risque d’abandon d’une partie de la structure du cep de vigne (chandelles ou bras morts).

Un cône de dessèchement Un chicot
Un cône de dessèchement Un chicot


Un protocole d’établissement mis à l’épreuve dans le cadre d’expérimentations sur le terrain

Le recul sur ces nouvelles pratiques est assez faible, d’autant plus que les résultats ne se mesurent qu’à long terme… C’est pourquoi dès 2018, des essais ont été mis en place grâce à des financements du PNDV (Plan National Dépérissement du Vignoble), associant les organismes techniques de la région : IFV, Chambres d’Agriculture, Institut Rhodanien. L’objectif de ces expérimentations est de tester des solutions pour réduire la mortalité au vignoble. Ainsi, sont suivies plusieurs parcelles comparant des vignes établies en taille douce avec des vignes établies de façon classique, appliquant les principes ci-dessus. Les plantiers ont aujourd’hui entre 3 et 5 ans, les résultats sur le dépérissement et la mortalité sont encore à venir. Voici quelques résultats déjà mesurables :

  • Les vignes établies en taille douce présentent 75% de grosses plaies de taille en moins (sur le bourrelet de greffe + sur le tronc) par rapport aux vignes établies de façon classique.
  • Grâce à l’ébourgeonnage, en sélectionnant et en attachant un seul rameau sur le tuteur en première feuille, le tronc est établi dès la première année si la vigueur est suffisante. Cela évite des plaies de taille répétées sur le tronc. Du fait de la moindre vigueur la première année, le tronc établi de cette façon a de nombreux entre-nœuds : les diaphragmes agiraient comme autant de « barrières » limitant la pénétration des nécroses dans le bois. Ainsi, un tronc établi en 1ère feuille a en moyenne une vingtaine de diaphragmes sur toute sa hauteur. Tandis qu’un tronc établi en 2ème feuille aura moins de 10 diaphragmes, car sa vigueur est plus forte et ses entre-nœuds sont plus longs.
  • Des essais complémentaires sont en cours pour quantifier l’impact des plaies rasantes, sur la couronne ou en taille haute avec chicot : quel est l’impact sur la profondeur des cônes de dessèchement ? Résultats à suivre…

Une plaie profonde localisée sur un bourrelet de greffe Dès la 1ère année il est possible d'établir un tronc.
Ce tronc présente de nombreux mérithalles ou entre-noeuds

L’établissement en taille douce prend-il plus de temps ?

M. Galanopoulo (CA 84)

« Les essais mis en place chez des vignerons montrent que l’établissement en taille douce nécessite un investissement en temps plus conséquent les premières années : deux à trois passages supplémentaires au printemps / été. En effet, il est indispensable d’être rigoureux sur les étapes d’ébourgeonnage et d’attachage. En revanche, cet investissement est amorti les années suivantes, avec des plantiers équilibrés et qui nécessitent de moins en moins d’interventions. Il a été observé que si l’ébourgeonnage est pratiqué de manière régulière en respectant l’équilibre de la plante, le temps de taille est réduit et la durabilité du cep en est favorisée. »

Comment évaluer la qualité de taille sur des parcelles en place ?

M. Claverie (IFV)

« Dans le cadre des recherches en cours sur le dépérissement des vignes, une des questions est de trouver des critères visuels d’évaluation de la « qualité » de la taille, afin de les mettre en relation avec la mortalité l’esca-BDA. Les critères d’évaluation existent en guyot, mais pas en cordons ou en gobelets. Une extrapolation des critères du guyot au cordon a permis pour l’instant de postuler que les chandelles « montantes » seraient plus respectueuses des flux de sève. Ce critère assez grossier basé sur la forme des chandelles (montantes, courtes ou rabattues) à l’échelle d’une parcelle ne montre pour l’instant pas de corrélation forte avec le dépérissement de la parcelle. Toutefois, des tendances existent : cela nous encourage à tester des critères d’appréciation de la qualité de taille plus fins. En revanche, il ressort de ces travaux un lien significatif entre la présence de grosses plaies de taille, la sécheresse et la mortalité des chandelles »

Les grosses plaies, associées à la sécheresse, entraînent une mortalité accrue des chandelles.