Vins phénolés, quel impact de Saccharomyces cerevisiae ?

Modifié le 10/11/2023

Vins phénolés, quel impact de Saccharomyces cerevisiae ?

La levure Saccharomyces cerevisiae est connue pour son rôle dans la dégradation des sucres en alcool pendant la fermentation alcoolique et est principalement utilisée pour cela. Mais d’après une étude menée par l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) de Beaune, certaines souches de Saccharomyces cerevisiae auraient la capacité d’empêcher la production d’odeurs phénolées par les Brettanomyces.

 





Les phénols volatils, des molécules volatiles et odorantes, sont à l’origine du caractère phénolé et animal et donnent des arômes désagréables au vin (encre, sparadrap, écurie ou sueur de cheval). Ces odeurs peuvent ainsi rendre le vin non consommable. La France étant le deuxième pays exportateur de vin au monde, la filière vinicole ne peut donc se permettre de proposer des produits à défauts aux consommateurs.

D’où viennent les phénols ?


La production de phénols volatils implique l’activité séquentielle de deux enzymes sur des acides : l’acide férulique et l’acide p-coumarique (appelés acides phénols), naturellement présents dans le raisin. La première enzyme, l’hydroxicynnamate décarboxylase permet la transformation de ces acides en vinyl-phénol et en vinyl-gaïacol. Ces composés sont ensuite réduits en éthyl-phénol et éthyl-gaïacol qui sont les phénols volatils. La première réaction peut être réalisée par de nombreuses levures tandis que Brettanomyces est la seule levure à pouvoir réaliser les deux étapes. C’est pourquoi, elle est tant redoutée.




Dans ce contexte, des expérimentations ont été menées par l’IFV de Beaune sur des vins de Bourgogne avec pour objectif de comprendre les conditions dans lesquelles ce défaut apparait.


Deux essais ont été mis en place : l’un pour explorer l’impact de la fermentation alcoolique, l’autre pour tester l’influence d’une souche de Saccharomyces cerevisiae.

  • Dans un premier temps, 15 cuvées de Pinot noir et de Gamay vinifiées à l’échelle cave ont été suivies. Un nouvel indice développé par l’IFV a été employé pour connaitre le risque d’altération par Brettanomyces d’une cuvée donnée. La TPPV (Teneur Potentielle en Phénols Volatils) permet de connaitre la quantité maximale de phénols volatils qui peut être produite. Elle a été mesurée à l’encuvage et à la fin de la fermentation. Les résultats montrent une diminution de la TPPV entre l’encuvage et la fin de la fermentation. De plus, lorsque la fermentation se déroule sans encombre, la TPPV est plus faible que lorsque des problèmes fermentaires sont relevés. La fermentation alcoolique aurait donc un impact sur la TPPV.

  • Dans un second temps, le suivi de la TPPV de 15 mini-vinifications de Pinot noir et de Gamay a été effectué à l’échelle laboratoire. Ces mini-vinifications ont été réalisées avec la même souche de levure. L’IFV de Beaune a constaté qu’avec cette levure, la TPPV était très faible après fermentation. Il existerait donc également un effet souche. Tous les acides phénols présents dans le moût seraient transformés en vinyl-phénols par cette souche. Les vinyl-phénols produits se combineraient aux anthocyanes. Ainsi, Brettanomyces ne pourrait plus faire de phénols volatils.

Pour conclure, ces travaux récents montrent que la production de goûts phénolés aurait un lien avec la souche de levure Saccharomyces employée durant la fermentation alcoolique. Cependant, les mécanismes de transformation des acides phénols pendant la vinification sont très complexes et demandent à être précisés. Cette découverte n’est donc que le début de longues investigations avec toujours ce même objectif : comprendre et empêcher ces odeurs phénolées dans nos vins.