Risque de déviations microbiennes : étude de la bioprotection

Modifié le 27/08/2024

L’usage de la bioprotection permettrait la maitrise des populations de microorganismes d’altérations. Mais sous certaines conditions. Voici quelques résultats majeurs d’un projet national mené sur 3 ans.

Risque de déviations microbiennes : étude de la bioprotection

De très nombreux microorganismes (bactéries, champignons, levures) sont présents sur le moût de raisin et jouent un rôle important à chaque étape de la vinification. Certaines de ces flores sont néfastes pour la qualité de la matière première et du produit fini. Les baisses d’acidité des raisins observées suite au réchauffement climatique diminuent l’efficacité des sulfites. En parallèle, le consommateur exige de plus en plus des produits sans intrants. L’utilisation d’autres stratégies comme la bioprotection devient donc essentielle. 

Un projet national sur trois ans a été mené en partenariat avec d’autres organismes de Recherche et Développement issus des différentes régions viticoles afin de mieux comprendre et d’évaluer l’impact de la bioprotection des raisins et des moûts sur la qualité des vins.  

La bioprotection consiste à utiliser des microorganismes pour occuper la niche écologique et limiter le développement de microorganismes d’altération pouvant impacter la qualité du vin. Cette méthode se développe depuis quelques années dans la filière viticole comme alternative au sulfitage.  Les sulfites, additifs chimiques, sont utilisés depuis de nombreuses années pour protéger le moût de raisin de l’oxydation et des flores d’altération. Cependant, c’est également un allergène potentiel.  

Dans ce contexte, nous avons testé différentes espèces de levures de bioprotection sur des itinéraires techniques avec des raisins présentant un état sanitaire dégradé ou non. Des modalités ont été mises en place pour comparer le déroulement des fermentations sous bioprotection à des vinifications non bioprotégées : une modalité sulfitée à l’encuvage ainsi qu’une modalité non sulfitée et non bioprotégée. Ces deux témoins permettront d’étudier les intérêts de la bioprotection comparée à des itinéraires de vinification classiques. Les croissances des levures de bioprotection et des levures d’altérations ont été suivies afin de voir l’effet des levures de bioprotection vis-à-vis des microorganismes indésirables. Voici des résultats majeurs de l’effet de levures de bioprotection pour maitriser les microorganismes d’altérations  

Bioprotection sur des moûts fortement altérés  

Lorsque le moût contient une population importante de microorganismes d’altération (supérieure à 10e5 cellules/mL), les levures de bioprotection testées n’ont pas permis de diminuer cette population. Pourtant, elles se sont implantées et n’ont pas gêné l’implantation de Saccharomyces cerevisiae, ni le bon déroulement de la fermentation alcoolique. Si les baies sont trop altérées, la bioprotection ne suffira pas à limiter le risque de déviation. Il est conseillé de protéger rapidement la vendange avec un ajout de SO2. 

Bioprotection en blancs : l’utiliser en complément d’autres pratiques pour limiter les risques d’oxydations :  

En blancs, les essais ont été effectués avec des souches de levures peu ou pas fermentaires. Ce type de levures doit être privilégié pour éviter un départ en fermentation avant l’étape de débourbage. Les résultats montrent qu’avec une bonne implantation de la levure utilisée, la population de microorganismes indésirables ne se développe pas (Figure 1). Cependant, la bioprotection ne permet pas de protéger le moût contre l’oxydation. Il est important de pratiquer l’inertage avec de l’azote ou de la carboglace. Pour des itinéraires l’on souhaite préserver les thiols, le recours au SO2 est indispensable. 

Bioprotection avec Saccharomyces en rouge, une alternative simple au sulfitage ? 

En rouge, des essais de bioprotection sur rouge à l’encuvage avec une souche de levure Saccharomyces cerevisiae ont été effectués sur deux itinéraires techniques. Sur un itinéraire rouge traditionnel, la souche de levure Saccharomyces cerevisiae utilisée en bioprotection colonise rapidement le milieu et réalise systématiquement la fermentation alcoolique.  Sur un itinéraire avec une macération pré-fermentaire (MPF), Saccharomyces cerevisiae s’est très bien implantée et a même démarré précocement la fermentation alcoolique en fin de macération à froid. Il n’est donc pas utile de relevurer en sortie de MPF. Un contrôle d’implantation à mi-fermentation permet de vérifier si la levure de bioprotection Saccharomyces cerevisiae reste majoritaire pour la réalisation de la fermentation alcoolique. 

Pour conclure, ces trois années d’expérimentations ont permis de confirmer que l’utilisation de la bioprotection est inutile sur une vendange présentant un mauvais état sanitaire. Selon l’itinéraire technique, certaines espèces de levures de bioprotection sont à privilégier. Une attention particulière doit être apportée aux besoins en azote assimilable des moûts en fermentation, notamment en risque de carence. Ces levures de bioprotection utilisent une partie des ressources en azote pendant la phase pré-fermentaire et il sera éventuellement nécessaire de compenser par un ajout après le début de fermentation.  De plus, la réalisation de contrôle d’implantation permet d’assurer lefficacité de la bioprotection. Les analyses sensorielles ont montré peu de différences entre les vins bioprotégés et les vins sulfités. Cependant, les vins témoins non sulfités et les vins bioprotégés ne présentaient pas de défauts sensoriels.  

L’utilisation de la bioprotection est un outil intéressant pour la maitrise des altérations microbiennes dans le cas les vinifications sans sulfites. Elle doit se raisonner en fonction du process réalisé et doit s’accompagner d’une bonne hygiène au chai. 


Figure 1 : Proportion des différentes espèces de levures sur moût après débourbage. Essai Inter Rhône 2023, Picpoul blanc - Bioprotection avec Metschnikowia pulcherrima