Résidus et itinéraires techniques

Modifié le 20/12/2023

Y a-t’il une corrélation entre les traitements à la vigne et les résidus dans les vins ?

Résidus et itinéraires techniques

 

L’Institut Rhodanien poursuit son travail sur l’acquisition de références sur les itinéraires et le niveau de résidus dans les vins de la Vallée du Rhône. Ainsi, dans la continuité des études réalisées de 2015 à 2019 en parallèle avec le Suivi Aval de la Qualité d’Inter-Rhône, le projet RESVRHOD a permis d’évaluer sur une cinquantaine de références, les liens entre itinéraires de protection et teneurs en résidus dans les vins. Cet article présente les résultats obtenus de 2021 à 2023.




Un appel à échantillons a été réalisé auprès des professionnels de la Vallée du Rhône, avec pour objectif de pouvoir bénéficier des calendriers de traitements. 14 entreprises ont répondu favorablement dont 50 % de caves coopératives et 50 % de caves particulières.  

50 vins ont été analysés. Ils sont issus pour 46 % de caves particulières et pour 54 % de caves coopératives. Les millésimes vont de 2017 à 2022 avec une majorité de 2020 (tableau 1).



Tableau 1 : répartition des 50 vins analysés en fonction du millésime — Institut Rhodanien 2023


Le cuivre, le soufre et le métirame n’ont pas été recherchés pour des raisons budgétaires (nécessitant des méthodes d’analyses spécifiques). De plus, ces molécules ne sont pas pertinentes à rechercher sur vin car sont soit éliminées pendant la vinification, soit ne sont pas considérées comme résidus en tant que tels car pas uniquement d’origine viticole (cuivre et soufre). Les analyses de résidus ont porté sur un total de 171 molécules comprenant des substances actives mères et leurs éventuels produits de dégradation et ont été effectuées par le laboratoire Dubernet avec les méthodes suivantes :

  • multi-résidus (phytobilan 3) : GC-MSMS et LC-MSMS selon la méthode OIV-MA-AS323-08.
  • fosetyl al et acide phosphonique : LC-MSMS selon la méthode européenne EURL-SRM-QuPPe.

 

Les résultats

 

100 % des vins respectent les limites maximales de résidus (LMR).

Au total, 23 substances actives ont été retrouvées dont 14 quantifiées (supérieures aux Limites de Quantification des méthodes (LQ)).

57 % des molécules quantifiées proviennent de traitements anti-mildiou et 43 % proviennent de traitements anti-oïdium.

Les 14 molécules quantifiées par ordre de fréquence dans les vins (% de vins les contenant) sont données dans la figure 1.

 

2 sont des produits de dégradation de substances actives (tableau 2) :


  • L’acide phosphonique, est le métabolite des fongicides phosphonates très utilisés en vigne contre le mildiou, comme fosetyl-al, mais aussi disodium phosphonate et phosphonate de potassium (deux substances actives utilisées en biocontrôle).  Il est fréquemment retrouvé dans les vins issus de raisins traités avec ces produits. Toutefois, des résidus peuvent être observés dans des vins bio et d’autres sources d’apport sont suspectées : application d’engrais phosphatés, produits fertilisants ou autres produits à base de phosphore utilisés en bio, accumulation dans la plante, dérive de traitements de parcelles voisines. L’étude des calendriers de traitements permettra de vérifier si sa présence dans les vins analysés est ou non d’origine phytosanitaire.

  • Le phtalimide : est le métabolite du fongicide anti-mildiou, le folpel. Il est souvent retrouvé dans les vins issus de raisins traités avec cette substance active.  Il peut également être retrouvé dans des vins bio et l’hypothèse d’un apport autre que phytosanitaire n’est pas à écarter car le phtalimide intervient dans la fabrication du caoutchouc ou comme stabilisateur du polychlorure de vinyle (PVC) et est utilisé comme agent de polymérisation de certaines résines époxy. La mise en contact des vins avec des matériaux plastiques utilisés en vinification (tuyaux, tapis à vendange, résines époxy) est donc suspectée d’être une des causes de sa présence dans les vins. Là aussi, l’examen des calendriers de traitements permettra de trancher sur son origine.

 

Figure 1 : ordre de fréquence des 14 molécules différentes quantifiées supérieures aux LQ dans les vins.



Tableau 2 : 2 métabolites (+ fosetyl-al) retrouvés parmi les 14 molécules quantifiées — Institut Rhodanien 2023


 

Les 11 autres substances actives quantifiées proviennent des traitements anti-mildiou et anti-oidium mentionnés dans le tableau 3.

 

Tableau 3 : onze molécules quantifiées hors phosphonates et phtalimide — Institut Rhodanien 2023

 

Les teneurs moyennes les plus importantes sont celles des phosphonates, le fosetyl-al et son produit de dégradation l’acide phosphonique (respectivement 0,055 et 5,09 mg/L). Pour les autres molécules, les teneurs moyennes sont beaucoup plus faibles. Seules deux sont supérieures à 0,010 mg/L : phtalimide et dimetomorphe. Pour la majorité, les concentrations moyennes sont comprises entre 0,002 et 0,006 mg/L (figure 2).



Figure 2 : Concentrations moyennes en résidus dans les vins en mg/L (hors acide phosphonique et fosetyl-al) — Institut Rhodanien 2023.


Ces teneurs moyennes sont faibles et représentent des fractions inférieures à 2,5 % des LMR. Les teneurs maximales, quant à elles, sont inférieures à 8 % des LMR (tableau 4).

 

 Tableau 4 : onze molécules quantifiées hors phosphonates et phtalimide — Institut Rhodanien 2023

 

Étude des calendriers de traitements

 

44 calendriers de traitements ont été fournis sur les 50 vins analysés. Un total de 57 substances actives différentes ont été appliquées par les viticulteurs partenaires, entre les millésimes 2017 et 2022. La répartition par usage est la suivante : 20 anti-mildiou, 16 anti-oïdium, 11 insecticides, 9 herbicides, et 1 régulateur de croissance.

6 substances actives sont utilisées dans plus de la moitié des calendriers fournis. Il s’agit de : cuivre, soufre, métirame, fosetyl, trifloxystrobine et fluopyram. Entre 15 et 22 calendriers mentionnent les 4 substances actives suivantes : diNaphosphonate, cyflufenamide, difénoconazole et metrafenone.  

 

Enfin, 31 molécules sur les 57 appliquées sont peu utilisées (notées dans au plus 5 calendriers) (figure 3). Les 14 molécules quantifiées dans les 50 vins analysés représentent 25,9 % des molécules appliquées à la vigne (54 si on exclut les 3 molécules non analysées : cuivre, soufre et métirame).

 

Cela signifie que 74 % des molécules appliquées à la vigne ne sont pas retrouvées dans les vins même si elles sont souvent appliquées comme trifloxystrobine, cyflufenamide, difenoconazole, tétraconazole, tau-fluvalinate, glyphosate… Ces molécules sont confirmées « non traçantes « dans les vins.

 

En revanche, les molécules les plus souvent retrouvées (acide phosphonique, fosetyl-al, ametoctradine et fluopyram) sont celles qui sont aussi le plus souvent présentes dans les calendriers (figure 4).

 

Figure 3 : Fréquence des 57 substances utilisées dans les 44 calendriers fournis.



Figure 4 : comparaison des molécules quantifiées dans les vins et des molécules appliquées sur vigne


Après examen des calendriers, il s’avère que certaines substances actives sont quelquefois retrouvées dans les vins alors qu’elles n’ont pas été appliquées sur vigne (ne sont pas mentionnées dans les calendriers). C’est le cas de 6 molécules anti-mildiou et 3 anti-oïdium (tableau 5) qui sont souvent présentes à des concentrations inférieures à 0,005 mg/kg (à l’exception de fosetyl et acide phosphonique qui elles sont retrouvées à des concentrations supérieures), et peuvent provenir de pollutions à la vigne ou en cave (contaminations croisées). Pour le fosétyl-Al et l’acide phosphonique, il est possible qu’il y ait aussi une rémanence due à un ou plusieurs traitements antérieurs, jusqu’à 3- 4 ans après les derniers traitements.


 

Tableau 5 : molécules concernées par la contamination croisée (quantifiées alors que non mentionnées dans le calendrier) — Institut Rhodanien 2023

 

Conclusions


Ce projet a permis de faire un point sur les résidus de produits phytosanitaires présents dans une cinquantaine de vins de la Vallée du Rhône. La création d’un groupe opérationnel de 14 entreprises viticoles favorise les échanges sur les résultats et permet de proposer des voies d’amélioration sur les calendriers de traitements dans le but de réduire ces résidus. Toutes les molécules appliquées à la vigne ne se retrouvent pas dans les vins. Seules 26 % des substances actives sont retrouvées. Les molécules quantifiées sont principalement des antifongiques (anti-mildiou et anti-oïdium). Les teneurs moyennes mesurées sont très inférieures aux limites maximales de résidus fixées par la réglementation.