Solutions pour réduire les résidus dans les vins et le cuivre dans les moûts tout en préservant les qualités aromatiques des vins
Premiers
résultats du projet « LESSRESCU »
Coordonné par l’Institut Français de la
Vigne et du Vin, en partenariat avec Inter-Rhône, VetAgroSup et les laboratoires
Dubernet, le projet FEADER LESSRESCU soutenu par la Région Sud et l’Europe de 2022
à 2024, a pour objectif de réduire les résidus dans les vins et le cuivre dans
les moûts. Pour cela, plusieurs actions sont menées dont l’une consiste à aider
les producteurs à maîtriser les résidus dans leurs vins. En
parallèle, nous avons pu
vérifier l’impact du lavage des baies entières sur les teneurs en cuivre des moûts
et sur la qualité organoleptique
des vins obtenus et notamment sur leurs teneurs en thiols et autres molécules
aromatiques.
Maîtrise des résidus
dans les vins : suivi d’un groupe de producteurs
Un groupe opérationnel de producteurs de la région PACA composé
de 13 entreprises dont 7 caves coopératives, 5 caves particulières et 1
négociant a été accompagné pendant trois ans dans sa démarche de gestion des
résidus. Pour cela, plusieurs cuvées pour lesquelles la traçabilité
complète de la vigne à la bouteille pouvait être assurée ont été sélectionnées
dans chaque entreprise. Au total, 83 vins ont été analysés par les laboratoires
Dubernet (tableau 1).
Tableau 1 : répartition des 83 vins analysés en fonction de la couleur, du millésime et de leur mode de production - IFV /Inter-Rhône 2021-2023
Les analyses montrent que 100 % des vins respectent les limites maximales
de résidus (LMR). Au total, 16 molécules différentes ont été quantifiées
supérieures aux Limites de Quantification (LQ), sur les 171 recherchées. Toutes
sont des fongicides : 56% anti-mildiou et 44% anti-oïdium. 5
molécules sont les plus fréquemment retrouvées : acide phosphonique
(87%), fosetyl-al (45%), fluopicolide (34%), fluopyram (33%), ametoctradine
(25%). Les autres sont retrouvées dans moins de 10% des vins (figure 1).
Figure 1 : ordre de fréquence des 16 molécules quantifiées supérieures aux LQ dans les vins- IFV /Inter-Rhône 2021-2023
L’acide phosphonique, est le produit de dégradation des fongicides phosphonates très utilisés en vigne contre le mildiou, comme fosetyl-al, mais aussi disodium phosphonate et phosphonate de potassium (deux substances actives utilisées en biocontrôle). Les 14 autres molécules quantifiées sont des substances actives provenant de traitements anti-mildiou ou anti-oidium. A noter la quantification de deux molécules mentionnées dans aucun des 80 calendriers de traitements fournis (boscalid et valifénalate) (tableau 2).
Les teneurs moyennes les plus importantes sont celles des
phosphonates (fosetyl-al et son produit de dégradation l’acide phosphonique). Pour
les autres molécules, les teneurs moyennes sont toutes inférieures ou égales à
0,010 mg/L. Elles représentent des fractions inférieures à 3% des LMR (tableau 3).
Tableau 3 : seize molécules quantifiées dans les 83
vins analysés- IFV /Inter-Rhône 2021-2023
Lien
entre résidus et calendriers de traitements.
80
calendriers de traitements ont été fournis par le groupe opérationnel de
producteurs, ce qui a permis de faire le lien avec les substances actives
retrouvées.
Un total
de 56 substances actives différentes ont été appliquées par les viticulteurs
partenaires, entre les millésimes 2021 et 2023. La répartition par usage est la
suivante : 18 anti-mildiou, 18 anti-oïdium, 11 insecticides et 9
herbicides. 21 substances actives sont présentes dans au moins 10 calendriers
(figure 2). Les plus utilisées sont le cuivre et le soufre. Les phosphonates
(fosetyl, disodium phosphonates et phosphonate de potassium) sont présents dans
au moins 20 calendriers. 16 substances actives sont quantifiées sur les 56
appliquées soit 28,6 % ce qui signifie qu’une majorité des molécules n’est pas
retrouvée dans les vins même si certaines, comme la trifloxystrobine ou le glyphosate ont été utilisées.
Figure 2 : substances
actives les plus utilisées dans les 80 calendriers fournis- IFV /Inter-Rhône
2021-2023
Il s’avère que certaines molécules sont quelquefois retrouvées dans les vins alors qu’elles n’ont pas été appliquées sur vigne. Elles peuvent provenir de pollutions croisées dans les caves ou à la vigne. Pour le fosétyl-Al et l’acide phosphonique, il est possible qu’il y ait aussi une rémanence due à un ou plusieurs traitements antérieurs, jusqu’à 2 - 3 ans après les derniers traitements.
Figure 3 : distribution
des teneurs en acide phosphonique dans les vins conventionnels, bio et en conversion en mg/L- IFV /Inter-Rhône 2021-2023
87% des vins analysés
contiennent de l’acide phosphonique à des teneurs quantifiées supérieures à la LQ
de 0.1 mg/L dont 62% des vins bio et 100 % des vins en conversion (figure 3). Cela
confirme que l’acide phosphonique n’est pas un résidu métabolite exclusif des
traitements aux phosphonates. D’autres
sources d’apport sont suspectées : application d’engrais phosphatés,
produits fertilisants ou autres produits à base de phosphore utilisés en bio,
accumulation dans la plante, dérive de traitements de parcelles voisines.
Impact du
lavage des raisins sur le cuivre et les thiols.
Le projet a également étudié l'impact du lavage des raisins sur la teneur en cuivre des moûts. Sachant que la
quantité de cuivre dans les raisins et les moûts est inversement
proportionnelle à la quantité de molécules aromatiques et notamment de thiols
dans les vins, nous avons recherché la réduction du cuivre des moûts en
associant des travaux de rinçage-lavage des baies avant vinification avec des
analyses de cuivre sur moût, de thiols sur vins et des analyses sensorielles
sur vin fini pour mesurer l’impact qualitatif de l’opération de lavage. Pour cela nous avons travaillé sur des
cépages réputés thiolés (rolle en 2022, sauvignon et colombard en 2023). Ces essais
qualitatifs ont été réalisés en lots de 100 kg. Le lavage des grappes entières a été réalisé en caisses de 20 kg,
immergées 5 minutes dans une comporte de 90 L d’eau avec brassage gaz puis
rinçage et égouttage avant pressurage. L’eau est changée après chaque lavage.
Le brassage au gaz est réalisé à l’aide de deux injecteurs en inox fritté fixés au fond des caisses à vendange de
20 kg.
Sur le cépage colombard, les analyses de cuivre ont montré un impact significatif du lavage sur moûts pressés (réduction de 42%) et débourbés (réduction de 45%). Le débourbage seul entraîne une réduction de cuivre de 44% ce qui fait une réduction totale du cuivre, entre le débourbage et le lavage de 68% (figure 4). L’analyse des thiols totaux et libres sur vins en bouteille, montre 2 fois plus de thiols libres dans les lots lavés (moyenne des deux repétitions) par rapport à la moyenne des lots non lavés, ce qui semble montrer un petit effet lavage. Cela est constaté avec le 3SH libre notamment (responsable des odeurs de pamplemousse) et le 3SHA libre (fruits exotiques) dont les teneurs sont supérieures aux seuils de perception (respectivement 60 ng/L et 4 ng/L). En revanche, aucune différence significative n’est constatée sur les thiols totaux entre les lots lavés et non lavés. Il en est de même pour l’’analyse du « menu fruité » (comprenant esters, terpénols, C13, Pyrazine). L’analyse sensorielle des 4 vins a été réalisée en présence de 18 panélistes du jury expert. Plusieurs triangulaires ont été proposées afin de déterminer s’il existe des différences entre les répétitions pour une même modalité, et entre les modalités ayant subi une différence de traitement. Aucune différence significative n’a été mise en évidence entre les modalités lavées et non lavées, ni entre les répétitions. Les 4 modalités ont ensuite été évaluées en verres noirs, dans un ordre aléatoire, selon la méthodologie du profil conventionnel descriptif QDA. Les modalités lavées sont trouvées plus intenses en fruits jaunes que les modalités non lavées. En revanche, seule une des deux modalités lavées est plus intense en agrumes et fruits exotiques et jugée moins acide. Les autres modalités sont jugées assez proches les unes des autres.
Figure 4 : Cuivre en mg/L dans les moûts témoins et lavés -Colombard IFV 30 2023.
Conclusions
Le projet LESSRESCU a permis de faire un point sur les résidus
de produits phytosanitaires présents dans 83 vins de la Région PACA. Seules 29%
des substances actives appliquées à la
vigne sont retrouvées. Il s’agit principalement d’anti-mildiou et anti-oïdium.
Les teneurs moyennes mesurées sont très inférieures aux limites maximales de
résidus fixées par la réglementation. Par
ailleurs, nous avons pu confirmer une réduction non négligeable du cuivre dans
les moûts par lavage des raisins (de l’ordre de 45%). Cependant les différences
de concentrations en cuivre entre lots lavés et non lavés n’entrainent pas de
différence significative sur le caractère thiolé et ne sont pas perçues à la
dégustation.