Premiers résultats du projet « Vins Sans Résidus »

Modifié le 01/02/2024

Résultats du projet Vins Sans Résidus sur les contaminations croisées à la vigne et à la cave.

Premiers résultats du projet « Vins Sans Résidus »

Mené par Vignerons Bio Nouvelle Aquitaine et l’Institut Français de la Vigne et du Vin, le projet Vins Sans Résidus (2021-2023) a pour objectifs :
- de poursuivre les investigations sur les risques de contamination croisée à la cave, liés à la mise en commun d’équipements entre des vinifications bio et conventionnelle, en se focalisant sur les deux métabolites mis en avant dans le précédent projet QualVinBio (2017-2020) : acide phosphonique et phtalimide.
-d’étendre ces recherches à l’étude de la contamination croisée à la vigne (dérive, utilisation d’engrais foliaire, pulvérisateurs...).





Risques de contamination croisée à la cave :

 

Peu d’adhésion des résidus d’acide phosphonique et de phtalimide aux surfaces :

Des coupons de 4 matériaux (bois, caoutchouc, PVC et inox) ont été mis en contact à 12°C avec 100 ml d’un vin rouge contenant les 3 molécules étudiées. On n’observe pas de diminution significative (incertitudes de +/- 44%) des concentrations en acide phosphonique et fosetyl-al dans les vins mis en contact avec les matériaux pendant 3 mois, par rapport au même vin non mis en contact mais conservé à 12 ° pendant 3 mois. Les matériaux étudiés adsorbent donc peu ces molécules (tableau 1).



Tableau 1 :  essais adsorption acide phosphonique et fosetyl-al par les matériaux-IFV 2021


Concernant le phtalimide, seuls les vins mis en contact avec le bois présentent des réductions des concentrations significatives (incertitudes +/- 34%) de de l’ordre de 40% par rapport au vin non mis en contact (tableaux 2). Les réductions observées avec les autres matériaux ne sont pas significatives.



Tableau 2 : essais adsorption phtalimide et folpel par les matériaux -IFV 2021

 


Cas particulier des contenants en bois


Un vin bio a été conservé dans six barriques de 10 L qui avaient stocké au préalable un vin conventionnel. L’analyse à 1, 3, 6, 9 et 16 mois de contact démontre que la contamination du vin bio par les barriques usagées se fait dès le premier mois de contact (même si la barrique a été rincée avant entonnage du vin bio) et qu’ensuite elle reste stable dans le temps (figure 1).


Figure 1 : cinétique de contamination du vin bio stocké dans les barriques usagées -IFV2021

Pour la suite de l’essai, un vin rouge contenant les 2 molécules d’intérêt a été mis en contact à nouveau avec ces 6 barriques pendant 1 mois, puis écarté avant de procéder au nettoyage des barriques et à leur entonnage avec un nouveau vin bio. 3 procédures de nettoyage ont été testées chacune sur deux barriques : eau froide ; 1 min eau froide, 10 min eau très chaude puis 1 min eau froide ; 1 min eau froide, 20 min vapeur puis 1 min eau froide.  

Des prélèvements du vin bio ont été réalisés avant entonnage et à 6 mois de contact pour analyses résidus. Les résultats ne montrent aucune différence entre les 3 procédures de nettoyage. Les 2 molécules sont encore présentes dans le vin bio après 6 mois de contact à une concentration quasi identique quel que soit le nettoyage réalisé avant entonnage du vin bio (tableau 3).


Tableau 3 : analyses résidus en mg/L dans vin bio stocké dans les barriques usagées -IFV 2022



Risques de contamination croisée au vignoble :

 

Contamination en acide phosphonique due à la dérive des parcelles voisines

Nous avons suivi dans le temps (2 périodes) et dans l’espace (3 distances), la contamination d’une parcelle Bio d’un domaine de Gironde ayant également des parcelles conventionnelles en production. La parcelle Bio (nommée P4) est entourée de 4 parcelles conventionnelles (P2, P3, P5 et P18) qui ont toutes reçu des phosphonates en 2021 et en 2022 (risque accru de contamination par l’acide phosphonique). Les parcelles conventionnelles sont séparées de la parcelle bio par une haie (arbustes de 2 mètres environ).


Des prélèvements de feuilles et grappes pour analyse d’acide phosphonique et fosetyl-al ont été réalisés en juin et septembre 2022 sur :

-les parcelles conventionnelles P2, P3, P5 et P18 en bordure de la parcelle bio P4 (0m)

-la parcelle bio P4, à 3 distances (0m, 10m et 20m) de chacune des 4 parcelles conventionnelles et au centre de la parcelle sur quelques pieds.

 

On note la présence d’acide phosphonique dans les feuilles et grappes des 4 parcelles conventionnelles prélevées en bordure de la parcelle bio aux deux périodes (figure 2).


Figure 2 : teneurs en acide phosphonique dans les raisins et les feuilles prélevés sur les 4 parcelles conventionnelles en bordure de la parcelle bio en juin et en septembre 2022

 

Les concentrations en acide phosphonique observées dans les feuilles et les grappes de la parcelle bio prélevées aux 2 périodes et aux 3 distances de chaque parcelle conventionnelle, sont plus élevées en bordure des parcelles conventionnelles. En septembre, seules les feuilles bio en bordure de la parcelle P2 contiennent encore de l’acide phosphonique à hauteur de 0,2 mg/kg (alors qu’au mois de juin, toutes les feuilles bio en contiennent). En revanche, les grappes bio en bordure des 4 parcelles conventionnelles contiennent toutes de l’acide phosphonique avec un maximum de 0,5 mg/kg dans les grappes en bordure de la P2. A 10 et 20 m des parcelles P2, P5 et P18, on retrouve encore de l’acide phosphonique de l’ordre de 0,1-0,2 mg/kg mais rien à 10 et 20 m de la parcelle P3 (figure 3).


Figure 3 :  teneurs en acide phosphonique dans les raisins et les feuilles prélevés en septembre 2022 sur la parcelle bio à 0, 10 et 20m des parcelles conventionnelles


Ces essais menés en conditions réelles confirment les risques de dérive entre parcelles conventionnelles et Bio. On retrouve de l’acide phosphonique dans les feuilles et les raisins de la parcelle bio prélevés aux deux périodes et jusqu’à 20 m des parcelles conventionnelles voisines. Ces contaminations proviennent de l’ensemble des parcelles conventionnelles voisines, même si elles semblent le plus marquées au niveau des parcelles P5 et P2. Toutefois, aucun résidu d’acide phosphonique n’est retrouvé dans les feuilles et raisins prélevés en septembre au centre de la parcelle bio P4.

 

Conclusion

Les premiers résultats du projet Vins Sans Résidus permettent d’apporter des compléments d’information sur les risques de contaminations croisées par les pesticides dans les vins bio que ce soit au chai ou au vignoble. Les recherches se poursuivent et sont concentrées sur les deux métabolites préoccupants pour la filière Bio : acide phosphonique et phtalimide.