Le paysage des vins désalcoolisés évolue, répondant à la demande croissante de boissons peu alcoolisées. Cependant, la réglementation stricte et les défis sensoriels nécessitent une exploration continue pour assurer la qualité et la diversification de ces produits.
Les vins désalcoolisés (ou no/low) sont désormais un sujet sérieux. Longtemps raillés, ces produits sont aujourd'hui identifiés comme une diversification de nos productions en lien avec une demande marché de boissons peu alcoolisées en croissance.
Si leurs qualités gustatives interrogent et méritent des travaux de recherche, la réglementation en matière de désalcoolisation est également porteuse de questions complexes. Faisons un point réglementaire à date.
Le nom du produit traduit son degré final : on trouve les "vins", les "vins partiellement désalcoolisés" et les "vins (totalement) désalcoolisés".
A partir du moment où l’on souhaite apposé la mention de « vin » il faut nécessairement partir d'un vin. Ce qui n'est pas le cas pour une "boisson à base de vin/jus", qui peut être faite avec du vin, désalcoolisé ou non, du jus de raisin ou même de jus de n'importe quel fruit.
Les étiquettes des "vins désalcoolisés" et "vins partiellement désalcoolisés" doivent porter mention d'une date de durabilité minimale (DDM). Cette mention indique la baisse de qualité sensorielle et nutritive du produit. Ces dernières doivent également présenter composition détaillée et valeur nutritionnelle.
Il est possible de faire des "vins" dont on a diminué le degré d'alcool sans en mentionner la pratique sur l'étiquette. Cette absence de mention est autorisée jusqu'à une diminution maximale de 20% du degré initial. Cette tolérance est appelée la correction de la teneur en alcool.
La pratique œnologique est autorisée pour tous les Vins de France et de Table (VSIG), mais aussi pour les vins bénéficiant d’une IGP ou AOP sans que cela ne soit spécifiquement inscrit dans le cahier des charges. À condition de veiller à ne pas descendre sous le degré minimal requis par le cahier des charges de l'appellation, ainsi que celui de la zone viticole concernée.
Cette pratique est bien appréciable pour nos vins méridionaux, aux degrés souvent trop élevés. D'autant que le degré moyen à la récolte devrait encore augmenter sous l'effet du changement climatique. En utilisant cette tolérance à son maximum, on peut donc produire du "vin" à 12% à partir d'un degré initial à 15%. Ou un 11% final à partir d'un 14% initial, etc. Cette pratique permet de proposer aux consommateurs des vins allégés en alcool mais dont la qualité est très proche du vin initial. À l'aveugle, la plupart des consommateurs ne sont d'ailleurs pas capables de déceler une diminution de 2 à 3 degrés.
Dans la catégorie des "vins partiellement désalcoolisés", les vins peuvent titrer de 0.5% à 9% d'éthanol (en zone méridionale). Ce qui constitue une très grande diversité de degrés finaux. L'éthanol a des vertus sensorielles très importantes (diminution de l'acidité, diminution de l'astringence, exhausteur de certains arômes et inhibiteur d'autres), donc les différences entre produits de cette catégorie peuvent être immenses. Des produits allégés en alcool autour de 8% côtoient des concurrents direct de la bière à 5%, et des produits presque sans alcool. On appelle cette catégorie fourre-tout les "LOW".
Cette pratique de désalcoolisation partielle n'est possible que sur les appellations (VSIG, IGP, AOP) qui l’ont spécifiquement autorisée dans leur cahier des charges.
Enfin, la mention "vin désalcoolisé" est obligatoire en dessous de 0.5% d'alcool. Ces vins ne peuvent revendiquer aucune appellation IGP/AOC aujourd'hui (VSIG), et ce sera probablement encore le cas à l'avenir.
Ce segment de "vins totalement désalcoolisés" constitue les "NO". Cette catégorie rencontre aujourd'hui un certain succès auprès des consommateurs. Ils sont en concurrence directe avec les boissons à base de vin/jus. D'ailleurs, les boissons à base de vin/jus peuvent être sensoriellement assez proches de l'univers du vin, dont elles empruntent les codes marketing.
Cependant, les vins désalcoolisés ne peuvent pas afficher "0.0%", ou la mention "vin sans alcool" sur leur étiquette, car la DGCCRF considère qu'il est impossible de prouver qu'un vin a été désalcoolisé à un degré inférieur à 0.1%. Aujourd'hui, seules les boissons à base de vin désalcoolisé le peuvent.
À partir du moment où l’on souhaite produire un « vin », le produit relève du règlement Vin européen et des cahiers des charges d'appellations, tandis que les « boissons à base de vin » relèvent du règlement Agro-alimentaire européen. Du coup, les additifs de formulation sont beaucoup plus restreints pour les vins (partiellement ou totalement désalcoolisés) que pour les boissons. La DGCCRF considère que les seuls additifs autorisés pour ces catégories de vins sont les mêmes que pour les vins non désalcoolisés (par exemple, le moût de raisin est autorisé). A l'inverse, les boissons à base de vin peuvent contenir du saccharose ou d'autres édulcorants, du glycérol pour les arrondir, de l'eau exogène au procédé de désalcoolisation, et surtout des arômes.
Les techniques autorisées à ce jour (annexe VIII, partie 1, section E du RUE 1308/2013) sont la distillation, l'évaporation sous vide après fermentation, le contacteur membranaire, et ces mêmes techniques précédées d'un fractionnement sur membrane (nanofiltration ou OI) dans le but de réduire la perte d'arômes qu'elles engendrent. D'ailleurs, il existe des techniques de récupération des arômes afin de les réincorporer dans le produit final. En particulier dans le cas d'une désalcoolisation totale par évaporation sous vide sur cônes rotatifs (SCC), car un tel niveau de désalcoolisation est très dommageable pour les arômes du vin.
D'autres techniques sont à l'étude, comme le stripping en cours de fermentation (extraction au CO2) et l'évaporation sous vide en cours de fermentation. En laissant une refermentation après désalcoolisation, ces méthodes permettraient de générer de nouveaux arômes fermentaires, donc de préserver l'univers sensoriel du vin sans recourir à la récupération d'arômes. Bien entendu, ces procédés ne pourraient pas être employés pour une désalcoolisation totale.
Enfin, le désucrage du moût est la technique la moins impactante pour la qualité, mais très coûteuse en perte de volume de produit final. Du coup, elle est à réserver à la correction du degré et non aux désalcoolisations partielles ou totales.