Mortalité du Grenache : retour sur un examen de près de 300 parcelles

Modifié le 06/05/2024

Avec pour ambition de mieux comprendre la mortalité du cépage Grenache afin de trouver des solutions pour la diminuer, le projet Dep Grenache lancé en 2020 s’est terminée en février 2024.   Bilan des résultats concernant l’état des lieux de la mortalité et de ses causes.

Mortalité du Grenache : retour sur un examen de près de 300 parcelles

Le projet Dep Grenache (pour Dépérissement du Grenache) a été accepté au Plan National Dépérissement du Vignoble (PNDV) en 2020. Il s’est terminé en février 2024. Son ambition était de mieux comprendre la mortalité du cépage le plus planté dans le Sud-Est de la France afin de trouver des solutions pour la diminuer 

Ce projet comportait 3 actions. L’objectif de ce premier article est de faire un bilan des résultats de l’action 1 concernant l’état des lieux de la mortalité et de ses causes. D’autres suivront dans les mois qui viennent.  

Ce travail est le fruit d’une collaboration entre l’IFV et les chambres d’Agriculture des Bouches du Rhône, du Gard et du Vaucluse. 

Une évaluation de la mortalité sur une centaine de parcelles dans 3 caves coopératives  

L’état des lieux de la mortalité a été réalisé en 2021 sur 295 parcelles issues de 3 caves coopératives en Coteaux d’Aix en Provence, dans le Nord Vaucluse et dans le Gard rhodanien. Les parcelles appartiennent à la tranche d’âge des 15-30 ans et concernent 144 exploitants différents. Nous avons également essayé de tenir compte des secteurs à historique vigne ancien (cave du Gard) ou ceux où la vigne est plus récente, succédant à des fruitiers, des céréales, légumes, ou des défriches de bois ou de garrigue (source : carte de Cassini et photos aériennes de 1950-60 sous Géoportail). 

Des notations ont été réalisées sur la mortalité cumulée de ceps (correspondant à tous les ceps non d’origine), le nombre de chandelles manquantes par cep, ainsi que la présence de ceps « rabougris » (ceps sans autre symptomatologie ou cause évidente, comme la concurrence d’une haie par exemple). En fin d’été, les différentes maladies de dépérissement ont été renseignées : esca et Black Dead Arm (esca-BDA), eutypiose, pourridié, jaunisses (flavescence dorée ou bois noir) et court-noué. Différentes informations ont aussi été relevées lors de ces visites parmi lesquelles une note de sensibilité à la sécheresse de la parcelle, ainsi qu’un descriptif rapide des caractéristiques de la taille (notamment la présence de grosses plaies de taille), ou encore la présence de très gros points de greffe. 

Les résultats montrent une grande diversité de mortalité entre parcelles qui va de 1% à 77% pour une moyenne de 24% tous âges confondus (figure1). L’âge de la parcelle explique en partie seulement ces différences : une parcelle de 30 ans par exemple montre au mieux 5% et au pire 60% de ceps d’origine morts. A la mortalité de ceps il faut rajouter la mortalité de parties de ceps : en moyenne, 25% des chandelles d’origine sont mortes (remplacées ou pas par le vigneron). 


Figure1 : mortalité des parcelles de Grenache notée en 2021

Du côté des causes constatées dans les parcelles, la plus fréquente est l’esca-BDA, qui est présent dans 92% des parcelles, dont 14% sont fortement touchées. Les symptômes d’esca-BDA, répétés année après année, constituent la cause principale de mortalité des parcelles. Ils peuvent être très variables d’une parcelle à une autre, de 0 à 16% des ceps en 2021. Le court-noué est présent dans au moins 33% des parcelles, mais le diagnostic uniquement visuel et la date tardive laissent penser que ce chiffre est probablement sous-estimé. Le pourridié a été détecté sur 25% des parcelles et ce de manière comparable entre les 3 caves. L’eutypiose et les jaunisses n’ont été trouvés que sur quelques parcelles et toujours sur des ceps isolés. Dans 40% des cas, les parcelles cumulent 2 voire 3 dépérissements, cumul qui augmente significativement la mortalité. 

Parmi les points qui ressortent de l’étude, il ressort que la sensibilité à la sécheresse de la parcelle ainsi que la présence de grosses plaies de taille augmentent significativement la mortalité de ceps et surtout de chandelles. Les ceps « rabougris » quant à eux sont corrélés au pourridié, au court-noué ainsi qu’à la sécheresse de la parcelle. Enfin, l’âge et la vigueur de la parcelle influent sur la présence de gros points de greffe, mais, tout comme dans le cas des ceps « rabougris », les facteurs mis en évidence n’expliquent pas totalement les niveaux de mortalité observés. D’autres facteurs existent et des recherches spécifiques seraient nécessaires 

Un état des lieux complété par des entretiens individuels avec les vignerons 

Au-delà des causes observées sur le terrain, des entretiens ont été réalisés avec 135 vignerons. L’un des objectifs était d’aborder avec eux les autres causes de mortalité sur leurs parcelles et d’éventuels facteurs favorisants.  

De ces discussions ressortent différentes causes comme la casse mécanique des ceps liée au passage des outils de travail du sol sous le rang (interceps). Ce dernier a en effet fortement progressé ces dernières années, et 73% des parcelles sont ainsi travaillées mécaniquement sous le rang. Toutefois, seulement 16% des exploitants pensent que cette cause pèse significativement dans la mortalité. Sont également cités les accidents climatiques (gel d’hiver notamment), la concurrence excessive de bois ou de l’herbe et des problèmes sur plantiers. Mais au bilan, ces problèmes concernent peu de parcelles. 

Du côté des facteurs favorisants, une tendance ressort avec le pourridié, en tendance plus fréquemment retrouvé sur des précédents anciens en fruitiers. Le court-noué est quant à lui clairement favorisé par des replantations vigne sur vigne : 44% des parcelles avec un précédent vigne juste avant montrent une présence de court noué en 2021 contre 19% lorsque le précédent était non vigne (fruitiers, oliviers, défriches de bois, céréales, légumes), soit 2 à 3 fois moins selon le réseau. L’impact du repos du sol a aussi été investigué mais, il ressort que trop peu de vignerons le pratiquent : seulement 3% des parcelles ont eu un repos supérieur à 5 ans. 

Enfin ces enquêtes ont aussi permis d’exclure la vendange mécanique des causes majeures de mortalité. En effet, les 8% de parcelles de notre échantillon qui étaient vendangées à la main ne montrent pas une mortalité différente de celle du reste des parcelles vendangées à la machine. De même il n’y a pas d’effet porte-greffe majeur, sauf sur le réseau du Gard, où les parcelles sur 110R montrent une tendance à plus de mortalité. Plus qu’un effet direct, ceci peut traduire un effet aggravant du porte-greffe dans un contexte particulier, nous y reviendrons dans l’article prochain sur les maladies du bois. 


Au bilan, l’esca-BDA est la cause la plus répandue de mortalité des Grenache et il y a par conséquent un enjeu fort à mieux le comprendre et le gérer. Un prochain article fera le point sur cela. 

Une vigilance doit aussi être portée au pourridié, présent dans un quart des parcelles de cette étude. 

Il ressort également l’importance de la replantation vigne sur vigne sur la présence de court-noué. Un effort particulier devrait être consacré au repos du sol et à la rotation des cultures pour diminuer sa présence, qui est un facteur majeur de bas rendements. 

A noter aussi l’influence de la sécheresse et de la qualité de taille sur la mortalité de chandelles et de ceps. 

Les auteurs remercient vivement les 3 caves partenaires ainsi que leurs techniciens « vignoble », et tous les vignerons concernés pour leur collaboration à cette étude.