L’Institut Rhodanien explore plusieurs solutions œnologiques afin de rééquilibrer l’acidité des moûts. Bilan de la seconde année d’études.
Les évolutions climatiques entraînent des modifications de la qualité des raisins en Vallée du Rhône. Rééquilibrer l’acidité des mouts est un enjeu important. L’Institut Rhodanien teste plusieurs solutions œnologiques pour accompagner les vinificateurs, particulièrement en zone septentrionale. Bilan de la seconde année d’études.
Le travail spécifique sur l’acidité présenté dans cet article, s’intègre dans un projet plus vaste, articulé autour de trois objectifs :
Ce projet est construit autour des cépages emblématiques du nord de la Vallée du Rhône, mais ses résultats sont évidemment extrapolables à toute la vallée.
L'année dernière à la même date, nous vous présentions les résultats de la première campagne de vinifications. Nous avons pu observer que la sous-maturité et la sur-maturité s'accompagnent logiquement d'une modification importante de la palette aromatique et de l’équilibre en bouche.
Donc si l’on cherche à maintenir une acidité importante ET conserver le style aromatique actuel, la solution simpliste de récolter plus tôt n'est pas une option crédible.
Une autre solution est de récolter à différentes maturités, puis d'assembler les vins une fois vinifiés. Les tests réalisés l'année passée ont montré que ces assemblages de dates peuvent être très intéressants sur Viognier. A condition de commencer à récolter assez tôt. L'addition d'un tiers de vendange précoce sur deux tiers de maturité plus classique, génère un Viognier dont on reconnait bien la palette aromatique typique, tout en conservant une belle acidité en bouche.
Cette solution pourrait être salvatrice pour les Viognier ayant pris un coup de chaud (dégradation de l'acide malique pendant la maturation) ou ayant fait leur fermentation malolactique.
Pour cette seconde année d'études, nous avons cherché à évaluer une troisième solution, qui consiste à corriger l'acidité de la récolte. Nous avons pris le parti de tester uniquement des corrections biologiques de l'acidité : choix de réaliser ou non la malo, et levure acidifiante.
L'expérimentation a été menée sur Marsanne et sur Syrah. Pour pouvoir comparer les effets des corrections d’acidité, nous avons récolté de manière séquentielle à différentes maturités.
Sur Marsanne, l’objectif de correction d’acidité allait de pair avec l’idée de tester le potentiel thiolé de ce cépage. Pour faire des thiols, il faut récolter tôt, donc il faut subir une acidité parfois trop importante. Nous avons donc testé une désacidification naturelle en faisant faire sa malo à une récolte très précoce (11% vol.).
Le vin obtenu présente un équilibre désagréable, proche de l’impression laissée par la récolte tardive (15% vol.). Le profil global de cette variante est d'autant plus déroutant que nous avons réussi à générer un nez thiolé. En comparaison, la vendange à date classique (13% vol.) est plus équilibrée, et la vendange précoce sans malo a une acidité trop mordante.
La solution de diminuer naturellement l'acidité d'une récolte précoce, tout en assumant une aromatique atypique, n'est pas une franche réussite sur cet essai. Cela mérite quand même une nouvelle validation.
Pour la Syrah, nous avons testé l'inverse : bio-acidifier une récolte trop tardive, en espérant garder la typicité aromatique. Bien sûr, cette solution ne s'attaque pas à la hausse du degré alcoolique, mais à court et moyen terme, nous pensons que la chute d'acidité est le problème prioritaire sur les rouges.
La bio-acidification consiste à faire travailler, pendant un à deux jours avant le départ en fermentation alcoolique, une levure non-Saccharomyces. Cette levure particulière, Lachancea Thermotolerans, est capable de transformer une petite fraction des sucres en une importante quantité d'acide lactique. A condition de le faire avant que les Saccharomyces ne prennent le dessus et assurent leur transformation en alcool.
La récolte tardive a été vendangée à 14,2% vol. En bloquant la fermentation malolactique sur une variante de cette récolte-là, nous avons logiquement obtenu un équilibre très proche de la récolte classique (13% vol.). Cependant, la variante tardive bio-acidifiée par Lachancea est déséquilibrée vers trop d'acidité. Le pH et l’Acidité Totale ont pourtant peu bougés, mais c’est logique car l’acide lactique est un acide faible.
La levure bio-acidifiante a donc probablement trop travaillé. L’ensemencement en Saccharomyces a pu être trop tardif. Ou la phase de multiplication de ces dernières a pu être trop lente. Quoi qu’il en soit, cet échec expérimental illustre très bien les difficultés à utiliser ces levures sélectionnées non-Saccharomyces. Elles peuvent rendre de grands services, mais leur contrôle doit être parfait. Une manière de contourner ce risque de perte de contrôle avec Lachancea Thermotolerans, est de la faire travailler « à fond » sur une cuve « médecin », que l’on utilisera ensuite en assemblage avec plusieurs cuves dont on voudra diminuer l’acidité.
Sur cet essai, il est surtout probable que la maturité n’était pas assez tardive pour être un sujet de bio-acidification, qui génère souvent une acidification importante. Cette solution mérite d’être à nouveau testée sur des vendanges de Syrah au-delà de 15%, à l’acidité vraiment trop basse.
La troisième année d’études sera donc l’occasion de retester ces solutions sur des vendanges plus adaptées, mais aussi de tester de nouvelles solutions. La bataille pour conserver l’acidité ne fait que commencer…