Les défis de l'irrigation : entre efficience et équilibre écologique

Modifié le 23/05/2024

L'Institut Rhodanien et ses partenaires mènent des recherches sur l'efficacité de différentes techniques d'irrigation et leur impact sur le potentiel de production dans le cadre d'une gestion raisonnée de cette ressource précieuse et essentielle

Les défis de l'irrigation : entre efficience et équilibre écologique

L’irrigation est aujourd’hui une pratique à laquelle certains vignerons ont recours pour limiter les effets du changement climatique au vignoble. Assez accessible, elle se présente comme une solution simple et efficace même s’il faut souvent considérer une combinaison de solutions face au changement climatique. L’eau n’est néanmoins pas une ressource illimitée : cette pratique ne coche pas tous les critères d’une pratique durable. C’est pourquoi l’Institut Rhodanien et ses partenaires étudient des stratégies d’apports en eau plus performantes et économes.  

Pourquoi s’intéresser de plus près à l’irrigation ? 

Les hypothèses de changement climatique émises depuis plusieurs années se confirment. Selon les membres du GIEC, nous subirons des élévations de température de 1,5°C à 5,8°C d’ici la fin du siècle. Une réduction, mais surtout une réallocation des précipitations annuelles dans l’arc méditerranéen est également attendue. 

Ce changement climatique est, à l’heure actuelle, une problématique majeure en agronomie. En viticulture, il se traduit par des conséquences néfastes différentes selon le degré de sensibilité à la contrainte hydrique de la parcelle : rendements limités, maturations difficiles et/ou décalage de maturation, baisses de vigueur des ceps, mortalité accrue due à la sécheresse, etc 

L’accès à l’eau sera de plus en plus limité pour irriguer les cultures. Il faut donc d'ores et déjà réfléchir à des façons d’optimiser les prélèvements de la ressource. Il faudra aussi adopter des alternatives à l’irrigation et des leviers pour gérer la contrainte hydrique. 

L’Institut Rhodanien mène depuis 2023 des expérimentations sur ce sujet financées par ses partenaires historiques : Chambres d’agriculture (13, 83, 84), le groupe de recherche en agriculture biologique (GRAB), l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) et Centre du Rosé. Ce projet porte sur la fréquence et le mode d’apport en eau au vignoble en vue de proposer des itinéraires techniques et des dispositifs d’irrigation permettant d’économiser la ressource en eau. 

Comment trouver la/les technique(s) optimales ? 

Plusieurs questions se posent : est-il suffisant de réaliser un seul apport avant floraison ? Faut-il compléter avec d’autres apports au cours de la saison ?  

Ces questions essentielles guident les recherches pour déterminer non seulement la meilleure stratégie d’irrigation, mais aussi le timing optimal des apports en eau, crucial pour garantir une viticulture durable et résiliente. L’étude devrait pouvoir y répondre. 

 

Pour cela, le projet est divisé en deux parties : étude des dispositifs d’irrigation et fréquences d’apports en eau au vignoble. Concernant l’étude des modes d’apports, 4 dispositifs sont à l’étude : le goutte-à-goutte enterré, les micro-asperseurs, le goutte-à-goutte aérien et le canon à eau. 

L’objectif est de comparer et de valider l’efficience de chaque technique. Une comparaison de la fréquence, mais également du moment des apports est réalisée. L’irrigation préfloraison est notamment étudiée. 

Dans l’idéal, toutes les modalités de l’étude reçoivent la même quantité d’eau : seule la fréquence change. Certaines vignes ont donc été irriguées massivement. Il s’agit de gros apports fractionnés : 60 mm en moyenne par apport, mais fréquence faible. Ces apports massifs sont comparés avec une stratégie d’apport via goutte-à-goutte dite classique : petits apports avec une fréquence plus élevée.  

On cherche donc à déterminer à quel moment et en quelle quantité irriguer pour gérer au mieux la ressource sans impacter, ou priver, la vigne. 

 

Les parcelles hébergeant les dispositifs se situent en Vaucluse, dans les Bouches-du-Rhône et dans le Var sur différents cépages (Grenache et Syrah). 

 

Comment estimer l’efficacité des modalités mises en place ?  

Comment déterminer la pratique la plus adaptée en analysant l’expression du stress hydrique par la plante ? 

L’itinéraire technique proposé doit, en effet, répondre à plusieurs problématiques. Cette pratique doit à la fois : 

  • Être économe en eau 

  • Permettre le maintien d’un potentiel de production acceptable  

  • Garantir que la vigne ne souffre pas trop du stress hydrique  

Afin de pouvoir répondre à ces problématiques, plusieurs indicateurs sont observés au vignoble dans le cadre de ce projet :  

 

Caractéristiques impactées par l’irrigation 

Indicateurs suivis 

Aspects agronomiques 

- Évolution de la contrainte hydrique : suivi des apex, potentiel hydrique foliaire de base, bilan hydrique, etc. 

- Phénologie de la vigne et évolution poids des baies 

- Vigueur 

Aspects vinicoles 

- Qualité de la vendange : contrôle maturité, poids par pied, nombre de grappes par pied, poids moyen d’une grappe 

- Produit fini : vinification si besoin par modalité et éventuellement dégustation par jury expert 

 

L’observation de tous ces indicateurs devrait mettre en avant un, ou plusieurs, itinéraires techniques. 

La multiplicité des parcelles suivies dans le projet montrera peut-être qu’il n’y a pas qu’un seul « bon » procédé. Toutefois, il permettra d’éliminer certains scénarios et de répondre à quelques-unes des questions soulevées dans ce projet. 

En 2023, il semble que l’irrigation préfloraison seule n’ait pas suffi à maintenir la vigne dans des conditions de confort hydrique suffisant en termes agronomiques (évolution de l’iC-apex, PHFB). En revanche, les irrigations massives fractionnées semblent également être plus intéressantes, mais cela dépend de la parcelle et de la quantité d’eau apportée. À reconfirmer donc dans les années qui suivent. 

 Et la suite ?  

Cet essai sera reconduit en 2024, avec des modalités et des observations plus fines permettant, dans les années à venir, de mieux gérer la ressource en eau. D’autres pistes sont à l’étude pour ce nouveau millésime : irrigation après vendange pour favoriser la mise en réserve et de l’irrigation juste avant vendange pour préserver le rendement.  


Témoignages


Didier Richy, conseiller viticole, Chambre d’Agriculture des Bouches-du-Rhône

« L’eau est précieuse et le sera d’autant plus dans les années à venir, le mode d’irrigation ainsi que le pilotage de celle-ci en fonction des conditions climatiques de l’année seront des moyens incontournables pour préserver cette ressource. »


Constance Cunty, cheffe de projet conduite vignoble et gestion de l’eau, IFV/Centre du Rosé

« La gestion de la ressource en eau et de la contrainte hydrique au vignoble sont des enjeux majeurs dans ce contexte de changement climatique.

Dans ce projet, un dispositif d’essai concernant les fréquences d’apports en eau et leur impact sur le rendement et la qualité des vins rosés produits est étudié sur deux parcelles en Provence. »  

Silvère Devèze, conseiller viticole, Chambre d’Agriculture de Vaucluse

« L’optimisation de l’utilisation de l’eau pour l’irrigation est devenue un enjeu d’avenir. L’efficience de nos apports en eau doit être maximisée que ce soit par le matériel ou par la période et la durée. »