Tests de levures aux propriétés acidifiantes. Des résultats variables en fonction de la souche utilisée.
Depuis quelques années, l’offre en
levures aux propriétés acidifiantes se développent sur le marché. Pour pallier le
déséquilibre des vins blancs causé par le changement climatique, l’Institut
Rhodanien a testé dans les mêmes conditions certaines de ces levures. Les
résultats sont variables en fonction de la souche utilisée.
Le réchauffement climatique induit
des pH plus élevés sur moût. Le risque de développement de microorganismes
d’altération est plus important et peut conduire à des déviations organoleptiques.
Les vins peuvent être plus lourds et moins agréables. Afin de continuer à
produire des vins de qualité, le vinificateur est souvent contraint d’augmenter
les doses de SO2, ce qui va à l’encontre des efforts actuels pour
réduire cet intrant. Dans le cadre d’un projet régional, l’Institut Rhodanien teste
différentes solutions pour rééquilibrer des vins qui tendent vers plus d’alcool
et moins d’acidité.
Lors de la dernière campagne de
vinification, l’acidification naturelle à l’aide de levures a été évaluée. En
effet, certaines espèces de levures non-Saccharomyces possèdent des propriétés
acidifiantes. C’est le cas de l’espèce Lachancea thermotolerans (L.
thermotolerans). Elle a la capacité de transformer une partie des sucres
fermentescibles en acide lactique, apportant de la fraicheur. Des levures de
l’espèce Saccharomyces cerevisiae (S. cerevisiae) ont été également
sélectionnées pour leur habilité à produire certains acides tout en réalisant
la fermentation alcoolique. Elles peuvent également diminuer légèrement la
teneur en alcool. Dans ce contexte, nous avons évalué l’impact de différentes
solutions déjà commercialisées sur la production d’acides et sur la qualité de
profil sensoriel.
Pour réaliser cette étude, des
mini-vinifications ont été effectuées à la cave expérimentale de l’Institut
Rhodanien sur une vendange de Viognier (TAVP 12.5°, pH 3.52, AT 3.07 g/L H2SO4).
Sept souches de levures ont été utilisées dont trois levures S. cerevisiae. L’une
sert de témoin, deux ont un pouvoir acidifiant. Les quatre autres levures
appartiennent à l’espèce L. thermotolerans. Ces solutions ont été
testées en utilisation seule ou combinées dans le cas des levures non-Saccharomyces.
En effet, L. thermotolerans ne peut pas assurer l’intégralité de la
fermentation. Une deuxième inoculation avec S. cerevisiae a été faite
après 24h.
Des suivis de populations ainsi que
des contrôles d’implantations ont été réalisés (figure 1). Des analyses œnologiques
ont permis de vérifier la production des différents acides. Les vins issus des
différentes modalités ont été dégustés par le jury expert à l’Institut
Rhodanien.
Des résultats variables en termes
d’implantation et de niveaux de population
Figure 1 Taux d’implantation (%) et niveau de
population totale (UFC/mL) après 24h de contact pour les 4 Lachancea thermotolerans (A à D) et à la moitié de la fermentation (di=1,040) pour
les 3 Saccharomyces cerevisiae (E à G).
Parmi les levures L. thermotolerans testées, la levure D
n’a pas été retrouvée 24h après inoculation et le niveau de population de
levures est faible pour cette modalité (<10^4 UFC/ml). Les levures A et C se sont très bien implantées.
Parmi les deux levures S. cerevisiae aux
propriétés acidifiantes, les analyses microbiologiques réalisées à la moitié de
la fermentation montrent une meilleure implantation pour la levure F (similaire
à la levure témoin G) que la levure E.
Une acidification renforcée avec
l’utilisation d’un couplage L. thermotolerans / S. cerevisiae aux propriétés acidifiantes
Les paramètres œnologiques ont été
mesurées à la fin de la fermentation alcoolique (figure 2). Les résultats
montrent des différences de production d’acide lactique entre les 4 levures L.
thermotolerans (A, B, C et D) utilisées avec la levure témoin G. Seules les
modalités ensemencées les levures A et C ont produit de l’acide lactique :
la quantité produite est plus importante pour la levure C.
Les résultats diffèrent aussi avec
les deux levures S. cerevisiae aux propriétés acidifiantes : les
paramètres œnologiques de la modalité avec la levure E sont similaires à ceux
de la modalité avec la levure témoin alors qu’une légère production d’acide
malique est observée pour les modalités avec la levure F. Un fort pouvoir
acidifiant est constaté lorsqu’elle est utilisée en combinaison avec les 2
levures L. thermotolerans A et C avec une différence d’acidité totale de
+ 1.2 à 1.4 g/L d’H2SO4. De plus, la teneur en alcool est
légèrement diminuée (-0.4% vol.) pour les vins vinifiés avec cette levure F.
Figure 2 : Paramètres œnologiques des
différentes modalités à la fin de la fermentation alcoolique
Les vins ont ensuite été dégustés 2 mois après la mise en bouteille. Les résultats sont présentés sous forme de spider graph. Le vin issu de la modalité « levure C, L. thermotolerans, combinée à la levure témoin G, S. cerevisiae », se distingue des autres par une meilleure intensité aromatique, caractérisée par des agrumes, des fruits blancs et des fruits exotiques. Cette combinaison conduit à des vins jugés mieux équilibrés. Les modalités avec la levure F ont été jugées comme étant plus acides que les autres, utilisée seule ou combinée avec une levure non-saccharomyces. C’est l’association « levure C, L. thermotolerans, avec la levure F, S. cerevisiae, aux propriétés acidifiantes » qui permet d’avoir des vins jugés plus acides.
Niveau de significativité :
***1%, **5%, *10%
Figure 3 : Appréciation
des vins levurés avec les levures G et F, S. saccharomyces, utilisés seules ou
combinées avec la levure C, L. thermotolerans
Cette étude
a permis de mettre en évidence que la capacité de bio-acidification varie d’une
souche à l’autre. La production d’acides est renforcée en utilisant une
combinaison non-Saccharomyces / Saccharomyces aux propriétés
acidifiantes. C’est un outil prometteur pour apporter de la fraicheur et
rafraichir nos vins blancs. De plus, l’utilisation de ces levures présente
quelques avantages : moins coûteuse que l’acide tartrique et leur mention est
facultative lors de l’étiquetage. De nouvelles expérimentations seront
réalisées lors de la prochaine campagne de vinification avec des temps de
contact différents entre la levure non-Saccharomyces et Saccharomyces.