Fraicheur dans les vins blancs : étude de la bioacidification

Modifié le 16/07/2025

Tests de levures aux propriétés acidifiantes. Des résultats variables en fonction de la souche utilisée.

Fraicheur dans les vins blancs : étude de la bioacidification

Depuis quelques années, l’offre en levures aux propriétés acidifiantes se développent sur le marché. Pour pallier le déséquilibre des vins blancs causé par le changement climatique, l’Institut Rhodanien a testé dans les mêmes conditions certaines de ces levures. Les résultats sont variables en fonction de la souche utilisée.

 

Le réchauffement climatique induit des pH plus élevés sur moût. Le risque de développement de microorganismes d’altération est plus important et peut conduire à des déviations organoleptiques. Les vins peuvent être plus lourds et moins agréables. Afin de continuer à produire des vins de qualité, le vinificateur est souvent contraint d’augmenter les doses de SO2, ce qui va à l’encontre des efforts actuels pour réduire cet intrant. Dans le cadre d’un projet régional, l’Institut Rhodanien teste différentes solutions pour rééquilibrer des vins qui tendent vers plus d’alcool et moins d’acidité.

Lors de la dernière campagne de vinification, l’acidification naturelle à l’aide de levures a été évaluée. En effet, certaines espèces de levures non-Saccharomyces possèdent des propriétés acidifiantes. C’est le cas de l’espèce Lachancea thermotolerans (L. thermotolerans). Elle a la capacité de transformer une partie des sucres fermentescibles en acide lactique, apportant de la fraicheur. Des levures de l’espèce Saccharomyces cerevisiae (S. cerevisiae) ont été également sélectionnées pour leur habilité à produire certains acides tout en réalisant la fermentation alcoolique. Elles peuvent également diminuer légèrement la teneur en alcool. Dans ce contexte, nous avons évalué l’impact de différentes solutions déjà commercialisées sur la production d’acides et sur la qualité de profil sensoriel.

Pour réaliser cette étude, des mini-vinifications ont été effectuées à la cave expérimentale de l’Institut Rhodanien sur une vendange de Viognier (TAVP 12.5°, pH 3.52, AT 3.07 g/L H2SO4). Sept souches de levures ont été utilisées dont trois levures S. cerevisiae. L’une sert de témoin, deux ont un pouvoir acidifiant. Les quatre autres levures appartiennent à l’espèce L. thermotolerans. Ces solutions ont été testées en utilisation seule ou combinées dans le cas des levures non-Saccharomyces. En effet, L. thermotolerans ne peut pas assurer l’intégralité de la fermentation. Une deuxième inoculation avec S. cerevisiae a été faite après 24h.

Des suivis de populations ainsi que des contrôles d’implantations ont été réalisés (figure 1). Des analyses œnologiques ont permis de vérifier la production des différents acides. Les vins issus des différentes modalités ont été dégustés par le jury expert à l’Institut Rhodanien.


Des résultats variables en termes d’implantation et de niveaux de population

Figure 1 Taux d’implantation (%) et niveau de population totale (UFC/mL) après 24h de contact pour les 4 Lachancea thermotolerans (A à D) et à la moitié de la fermentation (di=1,040) pour les 3 Saccharomyces cerevisiae (E à G).  


Parmi les levures L. thermotolerans testées, la levure D n’a pas été retrouvée 24h après inoculation et le niveau de population de levures est faible pour cette modalité (<10^4 UFC/ml).  Les levures A et C se sont très bien implantées. Parmi les deux levures S. cerevisiae aux propriétés acidifiantes, les analyses microbiologiques réalisées à la moitié de la fermentation montrent une meilleure implantation pour la levure F (similaire à la levure témoin G) que la levure E.

Une acidification renforcée avec l’utilisation d’un couplage L. thermotolerans / S. cerevisiae aux propriétés acidifiantes

Les paramètres œnologiques ont été mesurées à la fin de la fermentation alcoolique (figure 2). Les résultats montrent des différences de production d’acide lactique entre les 4 levures L. thermotolerans (A, B, C et D) utilisées avec la levure témoin G. Seules les modalités ensemencées les levures A et C ont produit de l’acide lactique : la quantité produite est plus importante pour la levure C.

Les résultats diffèrent aussi avec les deux levures S. cerevisiae aux propriétés acidifiantes : les paramètres œnologiques de la modalité avec la levure E sont similaires à ceux de la modalité avec la levure témoin alors qu’une légère production d’acide malique est observée pour les modalités avec la levure F. Un fort pouvoir acidifiant est constaté lorsqu’elle est utilisée en combinaison avec les 2 levures L. thermotolerans A et C avec une différence d’acidité totale de + 1.2 à 1.4 g/L d’H2SO4. De plus, la teneur en alcool est légèrement diminuée (-0.4% vol.) pour les vins vinifiés avec cette levure F.


 Figure 2 : Paramètres œnologiques des différentes modalités à la fin de la fermentation alcoolique


Les vins ont ensuite été dégustés 2 mois après la mise en bouteille. Les résultats sont présentés sous forme de spider graph. Le vin issu de la modalité « levure C, L. thermotolerans, combinée à la levure témoin G, S. cerevisiae », se distingue des autres par une meilleure intensité aromatique, caractérisée par des agrumes, des fruits blancs et des fruits exotiques. Cette combinaison conduit à des vins jugés mieux équilibrés. Les modalités avec la levure F ont été jugées comme étant plus acides que les autres, utilisée seule ou combinée avec une levure non-saccharomyces. C’est l’association « levure C, L. thermotolerans, avec la levure F, S. cerevisiae, aux propriétés acidifiantes » qui permet d’avoir des vins jugés plus acides. 


Niveau de significativité : ***1%, **5%, *10%

Figure 3 : Appréciation des vins levurés avec les levures G et F, S. saccharomyces, utilisés seules ou combinées avec la levure C, L. thermotolerans


Cette étude a permis de mettre en évidence que la capacité de bio-acidification varie d’une souche à l’autre. La production d’acides est renforcée en utilisant une combinaison non-Saccharomyces / Saccharomyces aux propriétés acidifiantes. C’est un outil prometteur pour apporter de la fraicheur et rafraichir nos vins blancs. De plus, l’utilisation de ces levures présente quelques avantages : moins coûteuse que l’acide tartrique et leur mention est facultative lors de l’étiquetage. De nouvelles expérimentations seront réalisées lors de la prochaine campagne de vinification avec des temps de contact différents entre la levure non-Saccharomyces et Saccharomyces. 

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