Flavescence dorée : comprendre l'origine des foyers, les facteurs et les risques de contamination

Modifié le 17/12/2024

La flavescence dorée continue de menacer le vignoble français. Comprendre ses foyers et ses vecteurs est essentiel pour protéger les vignes

Flavescence dorée : comprendre l'origine des foyers, les facteurs et les risques de contamination

Aujourd‘hui, plus de 70% du vignoble français est en zone contaminée par la flavescence dorée, maladie épidémique conduisant à la baisse de rendement et à la mort des ceps contaminés. Face à cette menace, trois mots d’ordre : Connaître, Prospecter et Lutter. Comprendre l’origine des foyers, identifier les facteurs de contamination et prévenir la propagation sont essentiels pour protéger les vignes.  

 

Comprendre l’origine des foyers

La flavescence dorée est une jaunisse provoquée par un phytoplasme (bactérie sans paroi) transmis à la vigne par un vecteur, la cicadelle S. titanus. D’une année à l’autre, un effet de vague est constaté avec à la fois des extensions sur des zones existantes et de nouveaux foyers soit en proximité de zones contaminées soit des cas isolés. Ce qui confirme une tendance à la dispersion de la maladie.

Des réservoirs naturels du phytoplasme

Pour élucider l'origine de l'émergence de la flavescence dorée, des tests permettant de caractériser le génotype (partie de données d’information génétique) du phytoplasme ont été conçus. Grâce à ces tests, 132 variants génétiques du cette bactérie ont été identifiés. Plus de la moitié sont abrités dans les aulnes, trois d'entre eux dans les clématites et seuls 11 d'entre eux sont associés à des foyers de flavescence dorée dans les vignes.

Seule la cicadelle S.titanus peut transmettre le phytoplasme de vigne à vigne et elle est très rarement présente sur d'autres végétaux. D’autres cicadelles, présentes dans l’environnement des vignobles, peuvent transmettre les phytoplasmes des aulnes à la vigne, ou des clématites à la vigne, mais ces transmissions sont rares. Il n’est donc pas nécessaire d'éliminer les aulnes et les clématites !

La sensibilité variétale mise en avant

Des travaux scientifiques* réalisés dans le vignoble bordelais, à Montpellier et en Charente, ont mis en évidence l'existence d'une notion de sensibilité ou de résistance à la flavescence dorée. Les chercheurs ont ainsi défini 3 classes de sensibilité dans lesquelles ils ont réparti 8 cépages, 6 porte-greffes et 12 Vitis sauvages étudiés selon leur degré de sensibilité à cette jaunisse. Dans le graphique ci-contre, les vitis peu sensibles sont en vert, les sensibilités intermédiaires en noir et les vitis sensibles en rouge. le protocole développée dans ce projet permet d'infecter des plants de vigne avec phytoplasme de la flavescence dorée via l'insecte vecteur naturel S. Titanus et de mesurer leur capacité de résistance à la transmission par l'insecte, à la multiplication du phytoplasme ainsi que le développement des symptômes. Les résultats de sensibilité à la maladie obtenue sur différents cépages, et porte-greffe ont permis de monter qu'ils étaient similaires à ceux observés en vignoble (Eveillard et al. 2016) 

La gamme de sensibilité des Vitis à la flavescence dorée, (les initiales ci-dessus sont issues des 2 ou 3 prmières lettres des noms de cépages) S. Eveillard et al (2021)


Et les RESDUR ?

Les variétés issues du programme RESDUR (variétés issues du programme d’innovation variétale RESDUR) présentent aussi des degrés de sensibilité différents. Le vidoc (Vid) est très sensible alors que l’artaban, le floréal et le voltis (Art, Flo et Vol) sont de sensibilité intermédiaire. Les observations des symptômes sur ces variétés montrent que leur développement est marqué pour les rouges. En revanche, pour les blancs, les symptômes sont plus discrets et certains individus n’ont pas présenté de symptômes, alors qu’ils hébergeaient des concentrations en phytoplasme élevées.

Le patrimoine génétique des vitis sauvages présent dans les RESDUR pourrait expliquer cette faible expression des symptômes. Notons que, comme les porte-greffes, si ces individus ne présentent pas de symptômes, ils sont néanmoins un réservoir potentiel du phytoplasme et du vecteur. Ces travaux ont mis, par ailleurs, en avant une source potentielle de résistance chez la magdeleine noire, mère du merlot. Un travail est en cours sur les parents de la syrah, également très peu sensible à la flavescence dorée. Ces résultats pourront être exploités dans les futurs programmes de création variétale pour obtenir de nouvelles variétés combinant des résistances à plusieurs maladies de la vigne, notamment à la flavescence dorée.

Les vignes ensauvagées, un risque de contamination et de recontamination

 Les vignes en friche

Les résultats du projet RISCA mettent en exergue le rôle des vignes en friche, des repousses de vignes et de porte-greffes comme réservoirs de phytoplasmes et de vecteurs de la flavescence dorée. Elles représentent un risque important de contamination et de recontamination de vignes assainies grâce à l’efficacité des traitements obligatoires (TO) ou en voie d'assainissement. Il suffit de 14 jours après le dernier traitement obligatoire (TO) pour constater une recolonisation rapide par les cicadelles issues de vignes ensauvagées voisines. Cela montre la nécessité de réfléchir à une gestion des parcelles en friche, mais aussi des zones contenant des repousses de porte-greffe.


L’affaire de tous

D’autres expérimentations réalisées dans le cadre du projet Co-Act sur différentes communes bordelaises ont mis en évidence la forte présence de vitis non cultivés et notamment de repousses de porte-greffes sur des terrains non viticoles, soit de particuliers ou de collectivités. La gestion de la flavescence dorée n’est donc pas à centrer exclusivement sur les vignobles et les viticulteurs, il est nécessaire de prendre en compte de nouveaux terrains et de nouveaux acteurs. Suite à ce constat, un livret, Vitis-Obs, à destination des riverains a été élaboré par le groupe de travail pour les sensibiliser aux enjeux.


Distance de dissémination

Le projet RISCA a aussi permis d'estimer la distance annuelle parcourue par les adultes : 30 m en moyenne et jusqu’à plus de 230 m (>300 m selon des travaux italiens). Les déplacements de S.Titanus sont rapides et massifs ; le vecteur est très mobile et sa diffusion facilitée par le vent et les machines.


L’influence du paysage

Le contexte paysager est facteur de risque : la probabilité d'infection augmente avec la proportion de forêt et de zone urbaine alors qu'elle diminue avec la proportion de vigne dans le paysage (sans doute à mettre en lien avec les pratiques de protection du vignoble). Mais ce facteur de risque n’est pas aussi important que les caractéristiques de la parcelle : âge, altitude, cépage sont les principaux facteurs affectant l'infection. La probabilité d'infection est, par exemple, deux fois plus élevée sur une parcelle de cabernet franc que sur une parcelle de merlot. Notons, que l'altitude diminue le risque d'infection !

Les cartes ainsi réalisées permettent de discuter, d'orienter et d'optimiser la stratégie de lutte dans ces vignobles. Ces travaux soulignent, par ailleurs, l’impact très fort de la période de prospection sur la probabilité de détection d'infection. Chose attendue puisque les symptômes se renforcent à l'approche des vendanges, mais la force de cet impact plaide pour la réalisation d’un maximum de prospection pour septembre.

 

Dans un prochain article nous aborderons la lutte et la stratégie d’éradication des foyers de Flavescence Dorée.


* Projet Co-act, plus d'infos ici : https://www.plan-deperissement-vigne.fr/