La flavescence dorée continue de menacer le vignoble français. Comprendre ses foyers et ses vecteurs est essentiel pour protéger les vignes
Aujourd‘hui, plus de 70% du vignoble français est en zone contaminée par la
flavescence dorée, maladie épidémique conduisant à la baisse de rendement et à
la mort des ceps contaminés. Face à cette menace, trois mots d’ordre :
Connaître, Prospecter et Lutter. Comprendre l’origine des foyers, identifier les
facteurs de contamination et prévenir la propagation sont essentiels pour
protéger les vignes.
Comprendre l’origine des foyers
La flavescence dorée est une jaunisse provoquée par un phytoplasme
(bactérie sans paroi) transmis à la vigne par un vecteur, la cicadelle S. titanus. D’une année à l’autre, un
effet de vague est constaté avec à la fois des extensions sur des zones
existantes et de nouveaux foyers soit en proximité de zones contaminées soit
des cas isolés. Ce qui confirme une tendance à la dispersion de la maladie.
Des réservoirs naturels du phytoplasme
Pour élucider l'origine de l'émergence de la flavescence dorée, des tests
permettant de caractériser le génotype (partie de données d’information
génétique) du phytoplasme ont été conçus. Grâce à ces tests, 132 variants
génétiques du cette bactérie ont été identifiés. Plus de la moitié sont abrités
dans les aulnes, trois d'entre eux dans les clématites et seuls 11 d'entre eux
sont associés à des foyers de flavescence dorée dans les vignes.
Seule la cicadelle S.titanus peut transmettre le phytoplasme de vigne à
vigne et elle est très rarement présente sur d'autres végétaux. D’autres
cicadelles, présentes dans l’environnement des vignobles, peuvent transmettre
les phytoplasmes des aulnes à la vigne, ou des clématites à la vigne, mais ces
transmissions sont rares. Il n’est donc pas nécessaire d'éliminer les aulnes et
les clématites !
Des travaux scientifiques* réalisés dans le vignoble bordelais, à Montpellier et en Charente, ont mis en évidence l'existence d'une notion de sensibilité ou de résistance à la flavescence dorée. Les chercheurs ont ainsi défini 3 classes de sensibilité dans lesquelles ils ont réparti 8 cépages, 6 porte-greffes et 12 Vitis sauvages étudiés selon leur degré de sensibilité à cette jaunisse. Dans le graphique ci-contre, les vitis peu sensibles sont en vert, les sensibilités intermédiaires en noir et les vitis sensibles en rouge. le protocole développée dans ce projet permet d'infecter des plants de vigne avec phytoplasme de la flavescence dorée via l'insecte vecteur naturel S. Titanus et de mesurer leur capacité de résistance à la transmission par l'insecte, à la multiplication du phytoplasme ainsi que le développement des symptômes. Les résultats de sensibilité à la maladie obtenue sur différents cépages, et porte-greffe ont permis de monter qu'ils étaient similaires à ceux observés en vignoble (Eveillard et al. 2016)
La gamme de sensibilité des Vitis à la flavescence dorée, (les initiales ci-dessus sont issues des 2 ou 3 prmières lettres des noms de cépages) S. Eveillard
et al (2021)
Et
les RESDUR ?
Les variétés issues du programme RESDUR
(variétés issues du programme d’innovation variétale RESDUR) présentent aussi
des degrés de sensibilité différents. Le vidoc (Vid) est très sensible alors
que l’artaban, le floréal et le voltis (Art, Flo et Vol) sont de sensibilité
intermédiaire. Les observations des symptômes sur ces variétés montrent que
leur développement est marqué pour les rouges. En revanche, pour les blancs,
les symptômes sont plus discrets et certains individus n’ont pas présenté de
symptômes, alors qu’ils hébergeaient des concentrations en phytoplasme élevées.
Le patrimoine génétique des vitis sauvages
présent dans les RESDUR pourrait expliquer cette faible expression des
symptômes. Notons que, comme les porte-greffes, si ces individus ne présentent
pas de symptômes, ils sont néanmoins un réservoir potentiel du phytoplasme et
du vecteur. Ces travaux ont mis, par ailleurs, en avant une source potentielle
de résistance chez la magdeleine noire, mère du merlot. Un travail est en cours
sur les parents de la syrah, également très peu sensible à la flavescence dorée.
Ces résultats pourront être exploités dans les futurs programmes de création
variétale pour obtenir de nouvelles variétés combinant des résistances à
plusieurs maladies de la vigne, notamment à la flavescence dorée.
Les résultats du projet RISCA mettent en
exergue le rôle des vignes en friche, des repousses de vignes et de
porte-greffes comme réservoirs de phytoplasmes et de vecteurs de la flavescence
dorée. Elles représentent un risque important de contamination et de
recontamination de vignes assainies grâce à l’efficacité des traitements
obligatoires (TO) ou en voie d'assainissement. Il suffit de 14 jours après le
dernier traitement obligatoire (TO) pour constater une recolonisation rapide
par les cicadelles issues de vignes ensauvagées voisines. Cela montre la
nécessité de réfléchir à une gestion des parcelles en friche, mais aussi des
zones contenant des repousses de porte-greffe.
D’autres expérimentations réalisées dans
le cadre du projet Co-Act sur différentes communes bordelaises ont mis en
évidence la forte présence de vitis non cultivés et notamment de repousses de
porte-greffes sur des terrains non viticoles, soit de particuliers ou de
collectivités. La gestion de la flavescence dorée n’est donc pas à centrer
exclusivement sur les vignobles et les viticulteurs, il est nécessaire de
prendre en compte de nouveaux terrains et de nouveaux acteurs. Suite à ce
constat, un livret, Vitis-Obs, à destination des riverains a été élaboré par le
groupe de travail pour les sensibiliser aux enjeux.
Le projet RISCA a aussi permis d'estimer
la distance annuelle parcourue par les adultes : 30 m en moyenne et jusqu’à
plus de 230 m (>300 m selon des travaux italiens). Les déplacements de S.Titanus
sont rapides et massifs ; le vecteur est très mobile et sa diffusion facilitée
par le vent et les machines.
Le contexte paysager est facteur de risque
: la probabilité d'infection augmente avec la proportion de forêt et de zone
urbaine alors qu'elle diminue avec la proportion de vigne dans le paysage (sans
doute à mettre en lien avec les pratiques de protection du vignoble). Mais ce
facteur de risque n’est pas aussi important que les caractéristiques de la
parcelle : âge, altitude, cépage sont les principaux facteurs affectant
l'infection. La probabilité d'infection est, par exemple, deux fois plus élevée
sur une parcelle de cabernet franc que sur une parcelle de merlot. Notons, que
l'altitude diminue le risque d'infection !
Les cartes ainsi réalisées permettent de discuter, d'orienter et
d'optimiser la stratégie de lutte dans ces vignobles. Ces travaux soulignent,
par ailleurs, l’impact très fort de la période de prospection sur la
probabilité de détection d'infection. Chose attendue puisque les symptômes se
renforcent à l'approche des vendanges, mais la force de cet impact plaide pour
la réalisation d’un maximum de prospection pour septembre.
Dans un prochain article nous aborderons
la lutte et la stratégie d’éradication des foyers de Flavescence Dorée.
* Projet Co-act, plus d'infos ici : https://www.plan-deperissement-vigne.fr/