Retour sur le bilan du stress hydrique de l’année 2024.
Cette année, riche en accidents climatiques dans un grand
nombre de régions viticoles françaises, a été moins marquée par la sécheresse
que les précédentes dans notre région. Néanmoins des effets antagonistes se
sont fait ressentir et ont pu causer au moins autant de dégâts qu’un stress
hydrique important.
Qu’est-ce que le stress hydrique ?
Le stress hydrique survient lorsque les ressources en eau
disponibles sont inférieures à la demande en eau. Si la vigne est soumise à des
températures trop élevées, elle va devoir réguler sa propre température et effectuer
la photosynthèse. Pour cela, elle a besoin d’eau. Ce cumul de transpiration qui
constitue une perte, doit donc être compensé par la ressource en eau disponible.
La réserve en eau du sol et les pluies permettent de couvrir ces besoins.
Comment observer l’apparition de la contrainte
hydrique ?
Il n’existe pas de méthode unique pour suivre et
caractériser le stress hydrique. Celui-ci peut être abordé sous différents
angles avec des méthodes et outils multiples. Chacun peut, en fonction de ses
moyens, trouver une façon de déterminer l’apparition de la contrainte. Les
observations météorologiques restent un outil simple et accessible pour pouvoir
s’en faire une idée.
A l’Institut Rhodanien, un réseau de parcelles est suivi
pour anticiper l’apparition de la contrainte hydrique. Sont suivis
principalement :
-
Le sol : évolution de l’eau dans les sols,
potentiel hydrique foliaire de base (mesure indirecte)
-
La plante : croissance végétative (apex),
surface foliaire
-
La modélisation et les données météo : bilan hydrique
Bilan climatique
Après une année 2022 exceptionnellement sèche et un stress
hydrique très prononcé avant la floraison en 2023, l’année 2024 a commencé de
manière plus sereine. Malgré un automne très sec et chaud, les précipitations ont
été très nombreuses et fréquentes au printemps. Cette abondance, notamment au
mois de mars, a permis de restaurer la réserve utile des sols. Les mois d’avril
et de mai, pluvieux également, ont contribué à contenir le stress hydrique
estival.
Au niveau des températures, l’année 2023 avait été qualifiée
comme la plus chaude au niveau mondial. Il est possible qu’en 2024 ce record
soit de nouveau battu malgré l’impression de « ne pas avoir eu
d’été ». D’ailleurs, les températures de la station météo d’Orange
confirment ces propos. La température moyenne en août a même flirté avec les
records (courbe rouge).
De nombreuses anomalies positives, plus nombreuses et plus
intenses, ont été observées cet été.
Attention donc à ne pas confondre le ressenti avec la
réalité du climat. Notre perception de l’environnement change à mesure que les
années passent. L’humain s’habitue et s’adapte à cette nouvelle norme mais pas
les plantes !
Et la vigne dans tout ça ?
L’abondance d’eau a contribué à une bonne croissance
végétative jusqu’à la fermeture de la grappe. Le suivi des apex n’a montré que
peu de ralentissements de croissance cette année, ou alors très tardivement. Les
apex ont très peu eu l’occasion de sécher. Dès que certaines parcelles
montraient des signes de ralentissement, des petites pluies venaient faire
reprendre la croissance. Le ralentissement s’est donc fait de façon naturelle
et assez lente. A la fin du suivi, des apex en croissance pouvaient encore être
observés sur des parcelles du réseau, un fait assez rare depuis quelques
années !
Les premières défoliations sur le réseau de parcelles sont apparues mi-juillet. En 2022 et 2023, ces défoliations ont pu être observées dès la mi-juin sur les parcelles les plus séchantes.
Défoliation à Tavel (16/07/2024), la surface foliaire de la canopée supérieure reste néanmoins importante
Défoliation à Tavel (19/06/2022), premières défoliations en
2022, la surface foliaire est plus faible qu'en 2024
Le bilan hydrique confirme-t-il les observations ?
Comme mentionné au début de l’article, la vigne a des
besoins en eau qui doivent être couverts par la ressource disponible. Le bilan
hydrique peut donc être calculé, très sommairement, par la différence entre les
entrées d’eau (pluies, irrigations, eau du sol) et les sorties (transpiration,
évaporation). La contrainte hydrique apparaît lorsque ce bilan devient négatif.
Des modèles un peu plus précis permettent de calculer ce bilan hydrique.
Chaque année, il est donc possible de le modéliser sur les parcelles suivies, afin d'estimer leur niveau de contrainte. Il tient compte des caractéristiques de la parcelles (réserve utile) et de la météo. Prenons l'exemple du modèle utilisé à l'Institut Rhodanien : plus la courbe plonge dans l'orange, plus le stress hydrique est prononcé. Il est ainsi possible de constater que la contrainte hydrique est apparue, en 2024, bien après celle de 2023 et 2022.
Le revers de la médaille
Les cumuls de précipitations, surtout dans les premiers mois
de l’année, ont été assez importants. Néanmoins, sur certaines parcelles cela a
pu se révéler à double tranchant. Pourquoi ?
-
Concurrence avec le couvert végétal stimulé par
les pluies ;
-
Fort développement de la surface foliaire ;
-
Maladies cryptogamiques.
Ces paramètres, s’ils sont mal contrôlés, peuvent engendrer
des effets négatifs. Cela a donc pu, à certains moments, favoriser une
situation de contrainte hydrique qui aurait pu être évitée. En effet, un
enherbement mal maîtrisé peut concurrencer jusqu’à assez tard dans la saison la
croissance végétative. A l’inverse, des vignes peu ou pas écimées présentaient
un déséquilibre feuille/ fruit. En effet, plus la surface foliaire est
importante, plus la vigne transpire. De plus, les feuilles restant des organes
puits, l’approvisionnement des raisins en eau se fait moins bien. Les
précipitations en période de vendanges peuvent également se révéler néfastes :
état sanitaire, dilution, difficulté à rentrer dans les parcelles etc.
En résumé, il n’y a pas eu de stress précoce cette année, et
les précipitations assez régulières ont permis de contenir la contrainte
hydrique. Cette dernière est apparue en fin de saison. Cependant, les vignes
ont quand même subi un stress hydrique, surtout en août, mois le plus chaud au
niveau mondial avec des anomalies de température considérables.