Le printemps 2022 débute sur des sols aussi secs qu’en été
À cause des faibles pluies hivernales et printanières qui n’ont pas rechargé les sols, avec en parallèle une transpiration plus forte due à des températures anormalement élevées, le déficit hydrique (différence entre la pluviométrie totale et la transpiration depuis le 1er janvier) est déjà marqué en Côtes du Rhône méridionales. Le niveau de déficit observé fin mai est habituellement atteint fin juin.
Moins de pluie donc des sols partiellement rechargés
La recharge en eau des sols avant le débourrement de la vigne n’a pas été complète. Si l’on considère la somme des précipitations tombées depuis la fin de l’année viticole précédente (estimée autour du 15 octobre 2021), sur la région il est tombé moins de 200mm de pluie contre environ 400 mm sur les 20 dernières années.
Soit deux fois moins d’eau pour restaurer la réserve des sols.
Ci-dessous, exemple du cumul des pluies observé à Orange, comparé à ce qui a été observé ces 20 dernières années.
Les températures chaudes de mai entrainent une plus forte demande en eau
Les fortes températures font pousser la vigne plus rapidement. Cela crée une plus forte demande en eau, et l’évapotranspiration est elle aussi plus forte. Le stock en eau du sol, déjà faible au départ, est consommé de façon plus rapide !
Le déficit hydrique se creuse…
Le déficit hydrique est la différence entre la quantité d’eau reçue et la quantité d’eau transpirée par la végétation.
Aujourd’hui, début juin, ce déficit est équivalent à celui que l’on observait début juillet 2019 et 2020 (ces deux années étaient déjà très sèches). En comparaison des vingt dernières années, 2022 serait donc déjà une année record, avec un déficit hydrique sévère et précoce.
La vigne puise déjà dans les réserves
Aujourd’hui, la vigne pousse, car elle a une très bonne capacité à aller chercher l’eau du sol, même lorsqu’il y en a peu. Les simulations de la diminution de la fraction d’eau disponible dans le sol, sur un sol théorique à réserve moyenne, sont représentées ci-dessous. Même dans l’hypothèse où les pluies de fin avril auraient rechargé les sols, la végétation puise sans recharge depuis un mois : à floraison aujourd’hui, les réserves d’eau du sol sont 25% inférieures à ce qu’elles étaient à la même date en 2021.
Toute la région des Côtes du Rhône méridionales est touchée
Le sud du Gard rhodanien ainsi que la plaine du Comtat sont déjà touchés par un déficit hydrique sévère. Grâce à des températures plus fraîches et des pluies souvent plus abondantes, les reliefs de part et d'autre du Rhône affichent eux un déficit hydrique plus modéré.
Dans le reste de la Vallée du Rhône, le stress hydrique n’est pas aussi marqué, mais il est également exceptionnellement sévère au regard des millésimes précédents : les secteurs septentrionaux accusent par exemple des cumuls de précipitations (depuis octobre afin de comptabiliser la recharge) très en deçà des normales, parfois de plus de 100mm (Arras-sur-Rhône, CDR septentrionales) ou même de 200 mm (St-Roman, Diois).
Quels sont les impacts pour la vigne et la récolte ?
Un stress précoce dans la saison peut empêcher la pleine croissance du végétal : les rameaux s’arrêtent de pousser et la surface foliaire de la vigne sera limitée. Le potentiel qualitatif des raisins est pénalisé, car le rapport feuille/fruit est mauvais. Même s’il pleut ensuite, les apex principaux étant secs, la croissance du feuillage repartira des entre-cœurs, donnant des vignes au feuillage bas et touffu, favorable aux maladies et au botrytis. Entre nouaison et fermeture de la grappe, un stress hydrique ainsi que des fortes chaleurs peuvent perturber la croissance des baies de raisins, qui risquent de rester très petites. L’impact sur le rendement est important.
Comment estimer au mieux le stress hydrique subi par ses vignes ?
Un outil pour estimer la contrainte hydrique au vignoble est la méthode des apex. Basée sur l’observation de l’extrémité des rameaux, c’est une méthode simple, qui caractérise une dynamique de croissance, elle-même liée à la contrainte hydrique de la vigne. Elle est à réaliser de façon régulière, sur un rythme hebdomadaire. Plus de détails sur cette méthode : https://www.institut-rhodanien.com/article/la-methode-des-apex
Pour vous tenir au courant de l’état de stress global subit par la région des Côtes du Rhône méridionales, un bulletin hebdomadaire, « Le journal du stress hydrique » est mis en ligne toutes les semaines sur le site de l’Institut Rhodanien. https://www.institut-rhodanien.com/liste-articles/suivi-hydrique-du-vignoble
Que faire au vignoble ?
Tant que l’irrigation n’est pas autorisée, peu de solutions permettent de réduire de façon immédiate le stress hydrique des vignes.
À court terme, il est possible de travailler le sol. « Un binage vaut mieux que deux arrosages » : le travail du sol permet de diminuer l’évaporation de l’eau du sol en cassant les chemins d’évaporation préférentiels, tout en facilitant l’infiltration des eaux de pluie (si de la pluie est prévue !). Attention toutefois ! il ne faut pas trop de travail du sol, car cela accélère la dégradation de la matière organique qui est un facteur puissant de rétention d’eau des sols.
À moyen et long terme, une façon d’aider la vigne à mieux supporter les épisodes de stress hydrique passe par une gestion des sols en prévision : par exemple en optimisant les couverts végétaux qui sont un bon moyen d’améliorer la capacité de stockage en eau des sols à travers celle de la matière organique tout en améliorant la structure du sol. Il est nécessaire de les détruire ou de les « rouler » au bon moment, avant floraison, pour limiter la concurrence et former un mulch au-dessus de la surface, qui limite la surchauffe et l’évaporation du sol.