Terroirs, sols et potentialités viticoles : des cartes pour l’avenir

Modifié le 07/03/2023

Le renouveau des études terroirs en vallée du Rhône

Terroirs, sols et potentialités viticoles : des cartes pour l’avenir

« Le changement climatique va redéfinir les combinaisons sols, cépages et climat. […] La connaissance des sols et climat des zones viticoles permet de piloter les choix techniques des exploitations (matériel végétal, orientation des rangs, mode de conduite...). Tous les sols viticoles ne réagiront pas de la même manière au changement climatique.

Un travail de caractérisation de la résistance et la résilience des différents sols avec la recherche d’indicateurs pertinents, semblent nécessaires. Une gestion adaptée des zones viticoles suppose de conduire des travaux pour : améliorer la connaissance des zones viticoles et développer la cartographie »

Tels sont les sonnettes d’alarmes et les recommandations fournies par les experts et reprises par les professionnels de la filière dans le document de Stratégie de la filière viticole face au changement climatique.

Cette amélioration de la connaissance de nos zones viticoles se matérialise en Vallée du Rhône par la reprise d’études sur les terroirs viticoles et leurs potentialités. L’Institut Rhodanien a réalisé en 2022 un inventaire des données disponibles et entend compléter et densifier les observations pédologiques sur le territoire pour les années à venir.



Galets roulés à Domazan


 

Cartographie des terroirs viticoles : de quoi parle-t-on ?

Quand on parle de terroirs viticoles, on s’attache à différencier (Figure 1) :

-                      les facteurs naturels (climat, sol, roche) du terroir qui sont a priori stables sur le long terme, bien qu’évoluant petit à petit

-                      les facteurs biologiques et annuels : matériel végétal, météo du millésime en cours

-                      enfin, des facteurs humains : choix d’un itinéraire viticole, d’un itinéraire œnologique, d’une date de vendanges



Figure 1 Terroirs viticoles selon Morlat


Pour la cartographie des terroirs, on s’attèle essentiellement à cartographier les éléments de la première partie, à travers la définition d’Unités de Terroir de Base à partir de caractéristiques géologiques, agropédologiques et paysagères. Ces unités sont homogènes et sont d’une superficie suffisante pour une utilisation agronomique ou commerciale.


La méthode de cette cartographie analyse les différentes composantes naturelles :

D’abord, la composante géologique qui est un élément majeur de zonage des unités de terroir :  les terrains sont caractérisés selon l’âge géologique (ère, période, étage, etc.) et le type de roche mère. Ensuite, la composante agropédologique qui va distinguer beaucoup plus finement les terrains, car sa variabilité spatiale est beaucoup plus importante que la géologie : profondeur du sol, texture et pierrosité sont des facteurs clés de différenciation des terroirs. Pour finir, la composante paysagère est également une clé d’identification de nos unités de terroir : elle permet d’intégrer les effets connus de certains facteurs climatiques : effet de l’altitude sur la température, effet de la pente sur la quantité globale de radiations reçue, effet de l’ouverture du paysage sur la vitesse du vent, etc.


Le travail de définition de la composante géologique peut s’effectuer en appui des cartes géologiques départementales et par confirmation sur le terrain. Les indices paysagers peuvent être définis à l’aide de modèles numériques de terrain à haute résolution. En revanche, la composante agropédologique nécessite absolument un travail de terrain : sondages réguliers à la tarière, observations et analyses sont nécessaires pour acquérir ces données de haute résolution du sol et du sous-sol.


La méthodologie prend bien sûr en compte les travaux déjà réalisés dans les années 1990-2000 avec le cabinet SIGALES (Letessier) et d’autres études similaires de la même époque. Un certain nombre de communes n’ont cependant pas été couvertes par ces travaux de grande qualité, et l’objectif est donc de compléter ces trous dans la raquette.

De ce fait, à partir de cette année, l’Institut Rhodanien relance des études qui vont permettre dans les années à venir de compléter les zones non couvertes (zones vertes et bleues sur la carte ci-dessous), d’abord dans les Côtes du Rhône mérdionales et vous proposer ces cartes à l’échelle de vos parcelles. Cela signifie aller sur le terrain et réaliser des analyses tous les hectares ou presque : c’est un travail de longue haleine, qui s’étalera dans le temps, mais auquel vous pouvez coopérer ! 

Vous aussi participez à l’enrichissement des cartes !

Envoyez les analyses de sols de vos parcelles, vos cartes terroirs numérisées, ou tout autre document que vous jugez utile (fosses, études, rapports…) à : Romain Lacroix : r.lacroix@institut-rhodanien.com

 



L’important ensuite est de pouvoir proposer des cartographies utilisables pour les opérateurs et techniciens : c’est-à-dire de pouvoir restituer des cartes à l’échelle de la parcelle.


Cartes de potentialités et de contraintes


À terme, la volonté est de proposer des cartes des données terroirs, mais aussi des cartes dérivées de potentialités viticoles :

-                      cartes calculées de grandes variables de fonctionnement du terroir : précocité, réservoir en eau, contraintes à l’enracinement, calcaire actif (Figure 3),

-                      cartes-conseils pour l’adaptation : conseils de matériel végétal, de pratiques, de pilotage

En effet, à partir de mesures effectuées sur les sols, il est possible de développer des indices et des recommandations. Par exemple, la texture du sol (proportion de sables, de limons et d’argiles dans un sol) joue un rôle sur l'équilibre minéral et la quantité d’eau disponible pour la vigne. Cela peut influencer la croissance du végétal et la qualité des raisins produits. Un sol sablonneux, plus drainant, ne retient pas autant d’eau que les sols argileux ou limoneux. En revanche les sols argileux et limoneux, qui retiennent mieux l’eau, peuvent au contraire créer des problèmes d’asphyxie et de tassements. Et, au niveau cultural, entraîner une vigueur trop importante pas toujours qualitative si le matériel végétal n’est pas bien choisi ou si les techniques de culture ne sont pas adaptées.

En utilisant ces cartographies de sol (Figure 2), les vignerons pourront mieux comprendre la texture de leur sol et choisir les porte-greffes, les cépages et le système de culture qui conviennent le mieux à leur terroir.



Figure 2 Types de sols à Saint-Pantaléon-les-Vignes (26)




Figure 3 Calcaire actif à Saint-Marcel d'Ardèche (07)


L’idée est de mettre ces cartographies à la disposition des vignerons sur un portail cartographique en ligne. Chaque vigneron pourra à terme superposer ses propres parcelles à ces cartes de sols, de potentialités ou de contraintes et toutes les données terroirs associées. Cependant, les données et les cartes qui seront proposées devront être utilisées avec recul et un œil critique, considérant l’échelle du lever de terrain (précision à 100m) et l’expérience de chacun.

Ce projet offrira des visualisations pour une meilleure compréhension de la composition du sol et des caractéristiques qui influencent la culture de la vigne et la qualité des raisins. Cela pourra également aider à mieux raisonner les plantations, en permettant de choisir des couples porte-greffe - cépage adaptés pour chaque parcelle, et de mettre en place des stratégies de fumure, d’irrigation et de culture adaptées. Enfin, ces cartographies pourront également être utilisées pour aider à la préservation de l’environnement en identifiant les zones à haut risque d’érosion ou de contamination par des produits chimiques. De plus, ces cartographies permettront d’éviter de faire de mauvais choix (par exemple, porte-greffe non adapté au taux de calcaire actif) qui pénaliseraient dès le départ les plantations.


En plus d’aider les vignerons à mieux comprendre leur terroir et à choisir le matériel végétal, les cartes de sol peuvent également être utiles dans un contexte de changement climatique, en aidant à identifier les zones à haut risque (sécheresse, températures, érosion, risques maladies) et à mettre en place des stratégies pour en limiter les effets négatifs sur leurs parcelles. Par exemple, en choisissant des cépages plus résistants aux conditions climatiques, en mettant en place des systèmes d’irrigation ou de culture adaptés aux conditions climatiques à venir.

Ces différentes données terroirs seront par ailleurs précieuses pour un grand nombre d’expérimentations, de recherches et de projets menés pour les AOC de la vallée du Rhône : prospective des terroirs à l’aune du changement climatique, potentialités des plantations en blanc, spatialisation de la contrainte hydrique au vignoble.


2023 : mise en œuvre d’une méthodologie

 

Si la disponibilité des données géologiques sur le territoire ne fait aucun doute (bien que ces données soient en cours de nettoyage et d’harmonisation), c’est désormais sur l’acquisition de nouvelles données pédologiques que le travail doit se porter.

Pour cela, pas de mystères ! Il faut aller sur le terrain et acquérir la donnée à la source, en sondant le sol. Pour des cartes utilisables par les acteurs sur le terrain, il est essentiel d’obtenir des données précises à une échelle de résolution minimale d’1/10000e voire plus précises encore. 

La littérature indique la densité représentative de prélèvements/sondages et de fosses/profils à réaliser :


Échelle

Nb d’ha par sondage

Nb d’ha par profil

Surface par jour (ha)

1/2.500

0,1 à 0,2 (7s/ha)

4 à 10

2 à 4

1/10.000

0,5 à 3

10 à 50

40 à 80

1/25.000

5 à 20

50 à 200

100 à 250

1/100.000

50 à 100

300 à 1000

500 à 1000

1/250.000

200 à 300

3000 à 5000

3000 à 9000


Il est prévu pour la saison 2023 une prospection permettant la cartographie d’environ 50 à 75ha par jour avec le concours d’un stagiaire. Cela comprend des sondages à la tarière et la réalisation/interprétation de profils. En lien avec d’autres projets nécessitant des informations techniques pédoclimatiques et comme la zone n’a pas été bien cartographiée, les études de cette année se situeront essentiellement sur le secteur autour des Dentelles de Montmirail.