Les vignerons de la région AURA se mobilisent aux côtés de partenaires pour "Adapténuer" les effets du changement climatique. Les premiers résultats sont encourageants.
Le changement climatique est devenu une préoccupation quotidienne dans le vignoble rhodanien et peut fortement impacter les modes de conduite et les pratiques à la vigne. Les vignerons doivent trouver rapidement des solutions pour adapter leurs vignobles au changement climatique et se retrouvent confrontés à un nouvel enjeu auquel ils n’étaient confrontés jusqu’à présent, celui de l’atténuer. Pour tenter de déterminer quelles sont les pratiques permettant « d’adapter » et « d’atténuer » le vignoble plus efficacement, plusieurs partenaires de la filière viticole en région AURA se sont réunies autour du projet « AdapTénuer »
En 2018, les travaux du « Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat » (rapport du GIEC, 2018) confortaient les hypothèses de changement climatique émises il y a quelques années. Les scénarios d’évolution au cours du XXIème siècle aboutissent à des élévations de températures de 1,5°C à 5,8°C d’ici à la fin du siècle, et une augmentation du nombre de phénomènes climatiques extrêmes. Les étés sont de plus en plus chauds et secs et soumis à des précipitations très brèves mais intenses qui peuvent engendrer des inondations localisées. Ainsi la période estivale, décisive pour les récoltes, se trouvera de plus en plus confrontée à la sécheresse et au manque d’eau. Une nouvelle version de ce rapport a été actualisé en 2022, avec l’apparition d’un volet III sur l’atténuation du changement climatique. En effet, durant la période 2010-2019, les chercheurs ont recensé des moyennes annuelles mondiales d’émissions de gaz à effet de serre les plus importantes jamais enregistrés jusqu’à présent. Cependant, le rythme d’augmentation de ces émissions a ralenti depuis 2010. Ainsi, si des efforts en termes de réduction d’émissions sont réalisés dès 2022, le réchauffement planétaire pourrait être limité à 1,5°C. L’objectif défini par le GIEC est donc de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. En agriculture, l’accent est mis sur une solution qu’est le piégeage et le stockage de carbone par les sols.
En 2022, plusieurs acteurs techniques du monde de la viticulture de la région Auvergne-Rhône-Alpes se sont réunis pour tenter d’étudier avec des vignerons partenaires du projet AdapTénuer, de nouveaux leviers (pratiques), jugés comme pertinents au regard de l’effet positif qu’ils peuvent avoir sur la vigne au niveau de sa résilience face au changement climatique ou encore de nouveaux leviers pour lesquels nous n’avons que peu de reculs à l’heure actuelle. Dans cette étude, l’empreinte carbone de l’itinéraire technique de chaque parcelle est également calculée afin d’apporter des informations supplémentaires sur la dimension « atténuante » de chaque pratique viticole. En effet, on parle d’atténuation lorsqu’on parle de réduction d’émissions carbone. Ainsi ce projet pourrait apporter des pistes et des informations auprès des professionnels de la filière viticole en région Auvergne-Rhône-Alpes pour optimiser efficacement leurs itinéraires techniques et réduire leurs empreintes carbones.
L’empreinte carbone est une méthode d’évaluation environnementale qui consiste en une comptabilisation de l’ensemble des gaz à effet de serre émis par une activité, sur l’ensemble de son cycle de vie. L’approche cycle de vie permet d’inclure les émissions ayant lieu sur site (émissions directes), mais aussi les émissions ayant lieu en amont de l’activité - fabrication des intrants, du matériel, des bâtiments, transports amonts, etc. - et les émissions induites en aval de l’activité – commercialisation du produit, mode de consommation du produit, fin de vie et recyclage, etc. (émissions indirectes).
Raisonner en termes de cycle de vie permet donc d’appréhender les impacts sur le changement climatique de l’activité dans son ensemble, sans se focaliser uniquement sur les émissions ayant lieu directement sur le site de production. Elle permet alors de se prémunir des transferts de pollution, c’est-à-dire de s’assurer qu’une réduction des émissions sur site ne se traduit pas par une augmentation des émissions à un autre niveau de la chaîne de production.
Appliqué à l’itinéraire technique viticole, le calcul de l’empreinte carbone renseigne sur les principaux leviers à activer à la vigne pour réduire sa contribution au changement climatique, et permet d’arbitrer entre différents choix techniques. L’empreinte carbone intègre également le stockage de carbone dans le sol lié aux pratiques viticoles.
L’IFV a développé GES&Vit, un outil de calcul de l’empreinte carbone viticole. Cet outil a été testé et utilisé dans le cadre du projet Adaptenuer afin de calculer les empreintes carbones d’itinéraires techniques adaptés au changement climatique.
À la suite de la première année d’expérimentation, les empreintes carbone de plusieurs itinéraires techniques mobilisant des leviers d’adaptation au changement climatique ont été calculées en Vallée du Rhône, mais aussi en Beaujolais, couplées à des analyses agronomiques et de qualité des vins. Par exemple, le graphique ci-dessus compare l’empreinte carbone de deux itinéraires techniques sur une même exploitation de la Vallée du Rhône. Si une seule année d’expérimentation est trop peu pour tirer des conclusions sur l’efficacité des leviers testés, on peut néanmoins dégager des généralités de ces premiers résultats.
La consommation de carburant est le principal contributeur aux émissions de gaz à effet de serre à la vigne. Les couverts végétaux permettent, une capture de carbone dans le sol intéressante, à hauteur de 300 à 400 kg CO2eq/ha/an. Ces couverts végétaux induisent toutefois des émissions de protoxyde d’azote lors de leur destruction qui peut représenter une part non négligeable des émissions.
Par rapport à une situation avec un couvert végétal laissé en place, l’ajout d’un voile d’ombrage et la destruction précoce du couvert par mulching permettent de limiter le stress hydrique et s’inscrivent donc comme des leviers d’adaptation au changement climatique. En revanche, ils induisent des émissions supplémentaires à hauteur d’environ 200 kg CO2eq/ha/an liées à la fabrication du voile en polyéthylène et au passage de tracteur supplémentaire. Ces émissions supplémentaires sont intéressantes à quantifier car à mettre en regard avec un gain potentiel sur la qualité des vins. En effet, dans cette étude, les voiles d’ombrage ont permis de diminuer le degré alcoolique des vins issus des raisins protégés de -2% vol. Le profil également a été modifié, avec un vin plus vif et plus frais en bouche. Les bénéfices/investissements et équilibre émissions/stockage sont donc à définir pour ce levier, étant donné que le coût d’achat et de pose reste encore à l’heure actuelle toujours élevé.
Les résultats présentés ci-dessus sont issus d’une seule année d’expérimentation. Il est nécessaire donc d’étudier l’évolution des pratiques et des bilans carbone au cours des deux autres années restantes du projet pour gagner en fiabilité et en précision et pour acquérir de la donnée.
Cet article expose les résultats issus de la première année de travaux de recherche du collectif de partenaires de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui ont initié une première démarche d’étude « innovante » avec une combinaison de leviers mais également avec le calcul des bilans carbone associés. D’autres résultats sont en cours d’étude et de traitement et pourront à terme d’ici les 2 années restantes du projet, donner des pistes concrètes pour « adapténuer » le vignoble rhodanien de demain !
Hugo Luizi, Coline Goursolle & les partenaires du projet AdapTénuer