Le court-noué : une maladie sous-estimée…

Modifié le 11/05/2023

Résultats du projet COUPRE en Côtes du Rhône

Le court-noué : une maladie sous-estimée…

Le court-noué est la virose de la vigne probablement la plus dommageable, car elle provoque des pertes de rendements et, à terme, de la mortalité. Elle est due principalement à deux virus de la famille des Nepovirus, le GFLV et l’ArMV, transmis chacun par des petits vers du sol, les nématodes Xiphinema index et X.diversicaudatum. Une fois le cep infecté par le virus, la maladie est incurable et le cep doit « vivre avec » le court-noué. C’est pourquoi la lutte est avant tout basée sur la prévention des contaminations et l’utilisation de matériel végétal sain à la plantation.


Les symptômes du court-noué touchent le feuillage (déformations des feuilles et rameaux, anomalies, rabougrissements, jaunissements) et les grappes (coulure, millerandage) mais ces derniers montrent une forte variabilité entre parcelles, cépages, périodes de l’année. Hormis la panachure, jaunissement très caractéristique et bien reconnaissable des feuilles, les symptômes peuvent être discrets et peu caractéristiques (comme le rabougrissement). De plus, le court-noué est rémanent dans une parcelle et évolue lentement : il s’accentue au fil des générations de vigne, particulièrement en cas de replantation vigne sur vigne sans repos du sol.


          


En partie du fait de cette discrétion, la présence du court-noué dans les vignobles français reste mal connue, de même que sa nuisibilité réelle et son poids dans le dépérissement. Quelques éléments avaient été collectés en 2005, à l’occasion d’une journée technique sur le sujet en Avignon. Les délégations régionales de France Agri Mer avaient alors estimé à dire d’expert que le court-noué touchait 2/3 du vignoble français, dont 1/3 fortement.

Afin de préciser ces estimations, un projet nommé COUPRE a été conduit sur 1 an dans le cadre du Plan National de Lutte contre les Dépérissement du Vignoble (PNDV). Piloté par Bordeaux Sciences Agro, il associait 3 régions viticoles, dont les Côtes du Rhône, et avait pour objectif de mettre au point un protocole d’estimation de la présence du court-noué au vignoble.


Ce protocole a ainsi été testé en Côtes du Rhône sur deux réseaux de parcelles : deux zones circulaires de très petite taille (moins d’un kilomètre de rayon), composées chacune de 22 et 24 parcelles, ont été choisies pour être des zones-tests. Sur chaque parcelle, la présence de court-noué a été estimée à l’aide de notations de symptômes foliaires et de tests ELISA de confirmation, sur un maillage de 24 placettes de 10 ceps chacune. Du fait de leur petite taille, ces réseaux n’avaient bien sûr pas vocation à être représentatifs de leur secteur géographique et encore moins de la région, mais les résultats sont tout de même instructifs.

Ces deux secteurs ont été choisis pour être, l’un très anciennement planté en vigne (réseau du Gard), l’autre plutôt récent, sur des anciens vergers (réseau en sud-Drôme). Deux cépages ont été étudiés, l’un extériorisant bien les symptômes (le Grenache) et l’autre moins bien (la Syrah) et dans toutes les tranches d’âge possibles (5-15 ans, 15-30 ans et plus de 30 ans).

La caractérisation des parcelles a été faite en mai 2021 par l’IFV, la chambre d’agriculture du Gard et le Syndicat Général des Côtes du Rhône. Par chance, les deux réseaux ont été très peu touchés par le gel de printemps. A partir des notations de symptômes et des tets ELISA, des profils de présence du court-noué ont été dressés : de peu ou pas court-nouée (ceps symptomatiques en faible nombre et/ou rares tests ELISA positifs) à très fortement court-nouée (majorité de placettes et de ceps symptomatiques).


Les résultats montrent une présence régulière du court-noué : seules 2 parcelles sur 46 montrent un profil non court-noué. Dans le vignoble ancien, la moitié des parcelles de grenache ont un profil fortement court-noué, contre 20% dans le vignoble récent. Les parcelles jeunes (moins de 15 ans) ne sont également pas exemptes. La Syrah montre plus de parcelles difficiles à caractériser avec des symptômes moins marqués (et le recours plus fréquent aux tests ELISA), mais ces derniers ne s’avèrent pas plus souvent négatifs pour autant. A titre d’exemple, sur 83 placettes asymptomatiques testées en ELISA, 24 se sont avérées positives. Autre exemple éloquent : le cas d’un grenache de 5 ans sans aucune placette symptomatique mais avec 75% des placettes positives au test ELISA…


Dans ce projet, ainsi que dans d’autres, nous avons également mesuré la nuisibilité due au court-noué, en pesant la récolte sur les ceps court-noué et sur les témoins non-court noués sur 2 parcelles de Syrah et 2 de Grenache. Les résultats montrent des pertes de récolte pouvant aller de -40 à -80% par rapport aux ceps témoins. Sur l’une des parcelles, on a notamment estimé à -48% la perte de récolte sur un lot de ceps visuellement asymptomatiques mais positifs au test ELISA.


En conclusion, même si ces deux réseaux tests ne prétendent pas représenter les Côtes du Rhône dans leur globalité, les résultats sont tout de même préoccupants : le court-noué est très présent, même sur le réseau plus récemment planté en vigne y compris sur les parcelles jeunes. Les symptômes sont parfois peu marqués, surtout sur Syrah ou sur certaines parcelles très jeunes, sans que cela ne garantisse l’absence de court-noué. Enfin, la nuisibilité de cette maladie est confirmée, et elle peut être très forte.

Malgré une recherche-expérimentation active pour trouver des solutions de lutte contre le court-noué, et notamment des voies pour « vivre avec le court-noué », ces résultats interrogent en profondeur sur la gestion de la maladie sur le long terme, et notamment le peu de recours au repos du sol et les fréquentes replantations vigne sur vigne. En terrain très court-noué, ces pratiques ne peuvent que peser lourd sur le dépérissement et la longévité de ces parcelles. Malgré les difficultés que pose le repos du sol dans nos systèmes de production actuels, il serait primordial de travailler collectivement à des solutions permettant de le ré-introduire, au moins sur les parcelles les plus atteintes par le court-noué.