Résultats du projet COUPRE en Côtes du Rhône
Le court-noué est la virose de la
vigne probablement la plus dommageable, car elle provoque des pertes de
rendements et, à terme, de la mortalité. Elle est due principalement à deux
virus de la famille des Nepovirus, le GFLV et l’ArMV, transmis chacun par des
petits vers du sol, les nématodes Xiphinema index et X.diversicaudatum.
Une fois le cep infecté par le virus, la maladie est incurable et le cep doit
« vivre avec » le court-noué. C’est pourquoi la lutte est avant tout
basée sur la prévention des contaminations et l’utilisation de matériel végétal
sain à la plantation.
Les symptômes du court-noué
touchent le feuillage (déformations des feuilles et rameaux, anomalies,
rabougrissements, jaunissements) et les grappes (coulure, millerandage) mais ces
derniers montrent une forte variabilité entre parcelles, cépages, périodes de
l’année. Hormis la panachure, jaunissement très caractéristique et bien
reconnaissable des feuilles, les symptômes peuvent être discrets et peu
caractéristiques (comme le rabougrissement). De plus, le court-noué est
rémanent dans une parcelle et évolue lentement : il s’accentue au fil des
générations de vigne, particulièrement en cas de replantation vigne sur vigne
sans repos du sol.
En partie du fait de cette
discrétion, la présence du court-noué dans les vignobles français reste mal
connue, de même que sa nuisibilité réelle et son poids dans le dépérissement. Quelques
éléments avaient été collectés en 2005, à l’occasion d’une journée technique sur
le sujet en Avignon. Les délégations régionales de France Agri Mer avaient
alors estimé à dire d’expert que le court-noué touchait 2/3 du vignoble
français, dont 1/3 fortement.
Afin de préciser ces estimations,
un projet nommé COUPRE a été conduit sur 1 an dans le cadre du Plan National de
Lutte contre les Dépérissement du Vignoble (PNDV). Piloté par Bordeaux Sciences
Agro, il associait 3 régions viticoles, dont les Côtes du Rhône, et avait pour
objectif de mettre au point un protocole d’estimation de la présence du
court-noué au vignoble.
Ce protocole a ainsi été testé en
Côtes du Rhône sur deux réseaux de parcelles : deux zones circulaires de
très petite taille (moins d’un kilomètre de rayon), composées chacune de 22 et
24 parcelles, ont été choisies pour être des zones-tests. Sur chaque parcelle,
la présence de court-noué a été estimée à l’aide de notations de symptômes
foliaires et de tests ELISA de confirmation, sur un maillage de 24 placettes de
10 ceps chacune. Du fait de leur petite taille, ces réseaux n’avaient bien sûr
pas vocation à être représentatifs de leur secteur géographique et encore moins
de la région, mais les résultats sont tout de même instructifs.
Ces deux secteurs ont été choisis
pour être, l’un très anciennement planté en vigne (réseau du Gard), l’autre
plutôt récent, sur des anciens vergers (réseau en sud-Drôme). Deux cépages ont
été étudiés, l’un extériorisant bien les symptômes (le Grenache) et l’autre
moins bien (la Syrah) et dans toutes les tranches d’âge possibles (5-15 ans,
15-30 ans et plus de 30 ans).
La caractérisation des parcelles
a été faite en mai 2021 par l’IFV, la chambre d’agriculture du Gard et le
Syndicat Général des Côtes du Rhône. Par chance, les deux réseaux ont été très
peu touchés par le gel de printemps. A partir des notations de symptômes et des
tets ELISA, des profils de présence du court-noué ont été dressés : de peu
ou pas court-nouée (ceps symptomatiques en faible nombre et/ou rares tests
ELISA positifs) à très fortement court-nouée (majorité de placettes et de ceps
symptomatiques).
Les résultats montrent une
présence régulière du court-noué : seules 2 parcelles sur 46 montrent un
profil non court-noué. Dans le vignoble ancien, la moitié des parcelles de
grenache ont un profil fortement court-noué, contre 20% dans le vignoble
récent. Les parcelles jeunes (moins de 15 ans) ne sont également pas exemptes.
La Syrah montre plus de parcelles difficiles à caractériser avec des symptômes
moins marqués (et le recours plus fréquent aux tests ELISA), mais ces derniers
ne s’avèrent pas plus souvent négatifs pour autant. A titre d’exemple, sur 83
placettes asymptomatiques testées en ELISA, 24 se sont avérées positives. Autre
exemple éloquent : le cas d’un grenache de 5 ans sans aucune placette
symptomatique mais avec 75% des placettes positives au test ELISA…
Dans ce projet, ainsi que dans
d’autres, nous avons également mesuré la nuisibilité due au court-noué, en
pesant la récolte sur les ceps court-noué et sur les témoins non-court noués
sur 2 parcelles de Syrah et 2 de Grenache. Les résultats montrent des pertes de
récolte pouvant aller de -40 à -80% par rapport aux ceps témoins. Sur l’une des
parcelles, on a notamment estimé à -48% la perte de récolte sur un lot de ceps
visuellement asymptomatiques mais positifs au test ELISA.
En conclusion, même si ces deux
réseaux tests ne prétendent pas représenter les Côtes du Rhône dans leur
globalité, les résultats sont tout de même préoccupants : le court-noué
est très présent, même sur le réseau plus récemment planté en vigne y compris
sur les parcelles jeunes. Les symptômes sont parfois peu marqués, surtout sur
Syrah ou sur certaines parcelles très jeunes, sans que cela ne garantisse
l’absence de court-noué. Enfin, la nuisibilité de cette maladie est confirmée,
et elle peut être très forte.
Malgré une recherche-expérimentation
active pour trouver des solutions de lutte contre le court-noué, et notamment
des voies pour « vivre avec le court-noué », ces résultats
interrogent en profondeur sur la gestion de la maladie sur le long terme, et
notamment le peu de recours au repos du sol et les fréquentes replantations
vigne sur vigne. En terrain très court-noué, ces pratiques ne peuvent que peser
lourd sur le dépérissement et la longévité de ces parcelles. Malgré les
difficultés que pose le repos du sol dans nos systèmes de production actuels,
il serait primordial de travailler collectivement à des solutions permettant de
le ré-introduire, au moins sur les parcelles les plus atteintes par le
court-noué.