La levure Brettanomyces s’accroche au matériel de cave en formant des biofilms. L’Institut Rhodanien, en collaboration avec l’Université de Bourgogne, étudie ce mode de vie « biofilm » afin d’optimiser les nettoyages et désinfections.
Brettanomyces a la capacité de
s’accrocher à des surfaces en formant des biofilms. L’Institut Rhodanien, en collaboration avec
l’Université de Bourgogne, étudie ce mode de vie « biofilm » afin
d’optimiser les traitements de nettoyage-désinfection.
Les biofilms sont responsables de graves
contaminations du produit fini. Mais qu’est-ce qu’un biofilm ? Il s’agit
d’une mince couche de microorganismes adhérant à une surface. Ces biofilms
colonisent toutes sortes de surfaces et résistent à la plupart des méthodes
classiques de nettoyage. Ce mode de vie « biofilm » peut ainsi se
montrer très problématique pour la filière vinicole lorsqu’il est composé de
microorganismes d’altération comme Brettanomyces.
L’état de propreté microbiologique des surfaces est important
au sein d’un chai pour garantir la qualité des vins. La procédure de traitement
est habituellement constituée de deux étapes :
-
Une étape de nettoyage à l’aide de détergents
qui décrochent les saletés et les microorganismes. Cette étape ne permet pas de
tuer les flores présentes.
-
Une étape de désinfection avec une action létale
sur les microorganismes et empêchant la recolonisation des surfaces par les
germes. Les produits chimiques utilisés pouvant être nocifs pour l’opérateur,
des produits alternatifs plus écologiques et moins dangereux sont donc recherchés.
Dans ce contexte, nous avons comparé l'impact de méthodes
de nettoyage-désinfection sur deux souches différentes de Brettanomyces développées
en biofilm. Pour chacune de ces souches, des biofilms âgés de quatorze jours
ont été formés en vin sur des morceaux d’acier inoxydable appelés
« coupons ». Les méthodes de nettoyage-désinfection ont ensuite pu
être testées sur les biofilms formés en conditions statiques au laboratoire et
en conditions dynamiques grâce à un circuit-test pilote développé par l’IFV1
(pôle Val de Loire - Centre) et le CETIM2.
À l’échelle laboratoire : les produits désinfectants ont un
effet sur la viabilité.
En comparaison
avec l’eau, deux produits désinfectants ont été testés : l’acide
peracétique 2%, (habituellement utilisé à la cave expérimentale) et l’acide
lactique 10% comme produit alternatif. L’EFSA (European Food Safety Authority)
a effectivement publié un rapport sur ce dernier, démontrant son efficacité
antimicrobienne et son absence de toxicité comme agent de décontamination dans
la filière viande. Les biofilms ont été testés selon la méthodologie
expérimentale développée dans l’encadré.
Les résultats sont
récapitulés dans le schéma ci-dessous et montrent une réduction significative
de la population totale après traitement par les deux désinfectants et par l’eau
en comparaison avec le témoin. Ces deux désinfectants ont également un effet
significatif sur la diminution de la viabilité des cellules restantes sur le
coupon, ce qui n’est pas le cas pour l’eau.
Schéma récapitulatif des proportions
de cellules détectées sur les coupons avant et après les différents traitements
en condition statique
Ces
données confirment le besoin d’utiliser un produit de désinfection pour inhiber
la croissance des microorganismes. De plus, les deux produits présentent le même
écart significatif par rapport au témoin. L’acide lactique à cette
concentration de 10% et avec un temps de contact de 20 min serait donc une
alternative intéressante.
À l’échelle pilote : l’importance
d’une procédure complète de nettoyage-désinfection.
Les résultats
montrent une réduction de la population viable restante sur le coupon après
l’utilisation d’une procédure complète par rapport au témoin. La procédure classique
à base de soude et d’acide peracétique permet de diviser significativement la
population de cellules viables par vingt comparé au témoin. La procédure
alternative avec savon noir et acide lactique se montre quant à elle
prometteuse mais nécessite des ajustements à l’échelle dynamique puisqu’elle
divise seulement par deux la population viable présente sur les coupons.
D’autres essais seront mis en place avec des temps de contact plus longs ou une
concentration d’acide lactique plus élevée, afin de déterminer si l’efficacité
de cette procédure peut être améliorée.
Pour conclure,
l’étude montre que les étapes de nettoyage-désinfection restent essentielles pour
limiter les microorganismes d’altération comme Brettanomyces sur les
surfaces du matériel vinaire. Les
solutions alternatives à base de savon noir et d’acide lactique se sont
montrées performantes : une piste prometteuse pour se diriger vers des
solutions de nettoyage plus durables !
1IFV : Institut Français du Vin
2CETIM : Centre technique des industries
mécaniques
Méthodologie des expérimentations
La première étape consiste
à contaminer des supports en acier inoxydable appelés « coupons » en
les laissant tremper 14 jours dans un vin contenant une population importante de
Brettanomyces. Les essais ont été menés avec deux souches différentes de
Brettanomyces : l’une sensible et l’autre résistante aux sulfites. Puis,
les différents produits de traitement ont été testés en condition statique et
en condition dynamique. Un témoin non-traité permet pour chaque test de
connaitre la population formée initialement sur le coupon et ainsi de
déterminer l’efficacité du traitement.
En condition statique, les
biofilms ont été traités pendant 20 min soit avec l’acide peracétique 2%, soit
avec l’acide lactique 10%, soit avec de l’eau. Les populations de levures
totales et viables restantes sur les coupons ont ensuite été déterminées à la
fin du processus par une numération en cytométrie en flux.
À l’aide du circuit-test, les
conditions dynamiques ont pu être mises en œuvre pour comparer deux procédures
complètes composées d’un détergent et d’un désinfectant. La première est la
technique classique à base de soude caustique 5% et d’acide peracétique 2%, et la
seconde est une technique alternative à base de savon noir et d’acide lactique
10%. Les coupons avec les biofilms ont été installés dans le circuit-test. Les
biofilms ont été traités par un passage en continu des produits dans le circuit
pendant 15 min pour les détergents suivi de 20 min pour les désinfectants. Les
populations de levures viables restantes sur le coupon ont été elles aussi déterminées
par cytométrie en flux.
Il est à noter qu’aucun effet souche
n’a été détecté pour l’ensemble des résultats. Les deux souches testées se
comportent donc de la même façon vis-à-vis des conditions de nettoyage mises en
place pour ces expérimentations.