Résultats d'essai portant sur une vendange altérée avec tests de levures de bioprotection et différentes doses de sulfitage
L’Institut Rhodanien poursuit
ses travaux sur l’impact de la bioprotection des moûts sur la qualité des vins.
Lors du millésime 2022, différentes levures de bioprotection et différentes
doses de SO2 ont été testées en vinification rouge traditionnelle dans
une démarche de réduction des intrants.
En œnologie, le SO2
est l’additif le plus utilisé depuis le XVème siècle pour sa
protection contre l’oxydation et le développement de microorganismes
indésirables pouvant impacter la qualité du vin. Mais face à la demande croissante des consommateurs désirant des produits avec
moins d’additifs chimiques, la limitation de l’utilisation des sulfites est une
priorité pour la filière vinicole.
La bioprotection consiste à apporter des
microorganismes sélectionnés pour occuper le milieu écologique et limiter le développement
de flores indigènes indésirables. Elle constitue une alternative naturelle
applicable à la matière première dès la récolte. Il existe de nombreuses
souches bioprotectantes sur le marché des produits œnologiques. L’objectif de
ce projet est d’évaluer quelques-unes de ces souches vis-à-vis des
microorganismes indésirables.
L’effet de trois espèces de levures en bioprotection et différentes doses de SO2 à
l’encuvage ont été étudiées sur une Syrah présentant un état sanitaire dégradé.
Après récolte, la vendange a été homogénéisée et répartie en 5 cuves (Tableau
I). Deux cuves (modalités 1 et 2) ont été sulfitées aux doses de 4 g/hL et 8 g/hL.
Les trois autres cuves ont été ensemencées avec les levures de bioprotection (Metschnikowia pulcherrima, Torulaspora delbrueckii, Saccharomyces cerevisiae).
Toutes les modalités sauf la modalité 3 ont ensuite été ensemencées avec une
levure Saccharomyces cerevisiae pour la réalisation de la fermentation
alcoolique (FA).
Tableau I
: Modalités mises en œuvre à la cave expérimentale
Modalité
1 |
Modalité
2
|
Modalité
3
|
Modalité
4
|
Modalité
5
|
4
g/ hL de SO2 (Bisulfite
de potassium liquide 10%) |
8
g/hL de SO2 (Bisulfite de potassium liquide 10%) |
Saupoudrage
Saccharomyces cerevisiae 10 g/hL |
Saupoudrage
5 g/hL de Metschnikowia
pulcherrima |
Levain
25 g/hL |
Des prélèvements ont été réalisés à l’encuvage, au
début, à la moitié et à la fin de la FA pour évaluer l’impact des levures de
bioprotection et du sulfitage sur les flores présentes.
Des flores
d’altération bien présentes
Les contrôles microbiologiques après encuvage de
la vendange montrent une population importante de levures Hanseniaspora
uvarum (supérieure à 105UFC/mL). C’est une espèce dominante de
la flore du raisin. Mais, elle est productrice d’acide acétique et d’acétate d’éthyle donc
indésirable. De plus, les bactéries acétiques sont également bien présentes (5.5
104 UFC/mL)).
Une forte dose de
SO2 n’est pas nécessaire face aux flores d’altération
L’identification des souches de
levures à la mi-fermentation montre une très bonne implantation de Saccharomyces
cerevisiae (supérieur à 99%) pour la modalité sulfitée à 4 g/hL. Pour la
modalité 8 g/hL, Saccharomyces cerevisiae a colonisé le milieu (à 90%)
mais Hanseniaspora uvarum est encore détectée à 10%. [EC1] De
plus, les dénombrements montrent une baisse de la population d’Hanseniaspora
uvarum pour la modalité sulfitée à 4 g/hL alors qu’elle se maintient pour
la modalité sulfitée à 8 g/hL (figure 1). Ces données
confirment qu’il faut ajouter des doses raisonnables de SO2 afin de
maintenir une quantité de SO2 libre suffisante pour protéger le
mout.
Les dénombrements réalisées au
début et à la mi-fermentation montrent une baisse importante de la population d’Hanseniaspora
uvarum pour la modalité sulfitée à 4 g/hL alors qu’elle se maintient pour la
modalité sulfitée à 8 g /hL (figure 1). La flore d’altération reste présente à cette
forte dose. Ces données confirment qu’il faut ajouter des doses raisonnables de
SO2 afin de maintenir une quantité de SO2 libre suffisante pour
protéger le mout.
Bioprotection avec Saccharomyces
cerevisiae : Une teneur en acidité volatile correcte
La bioprotection réalisée sur les trois autres cuves n’a pas permis de réduire la flore d’altération à la mi-fermentation (figure 1). Les contrôles effectués montrent que les levures Metschnikowia pulcherrima et Torulaspora delbrueckii ont été détectées mais dans de faibles proportions au début de la FA et à la mi-FA (Tableau II).
Tableau II : Proportion
des levures de bioprotection retrouvées au début et à la mi-FA
De plus, elles n’ont apporté aucun avantage au niveau des paramètres
œnologiques mesurés à la fin de la FA. Pour ce qui est de Saccharomyces
cerevisiae, elle est majoritaire au sein de la flore à la mi-fermentation (Tableau
II). Malgré la bonne implantation de cette levure, la flore d’altération reste présente.
Toutefois, cette modalité présente une teneur en acidité volatile plus faible
que les autres (-0.2 g/L eq H2SO4).
L’étude montre qu’une dose raisonnable de SO2
a permis une réduction de la flore d’altération et reste la solution la
plus adaptée dans ces conditions de vendange dégradée. L’utilisation précoce de
Saccharomyces cerevisiae, même si elle ne permet pas de réduire aussi
fortement la flore d’altération, s’avère être une solution intéressante. Par
ailleurs, c’est une solution de bioprotection facile à mettre en œuvre. Les
dégustations qui seront réalisées prochainement permettront de voir si le
profil sensoriel est également qualitatif !
Figure
1 : Evolution de la population levurienne
en fonction du stade de la fermentation alcoolique pour chacune des modalités